Familles
Une maison familiale d'architecte en pleine forêt finlandaise
Chez
Cristina Balducci et Frédéric Duqué, Alexandre 12 ans, Louis 11 ans, Colette 8 ans, Gisèle 5 ans et Maurice, 1 an.
Les Finlandais la nomment Trollshovda, la forêt des Trolls. C’est pourtant un paysage tout ce qu’il y a plus de féérique qui nous accueille à notre arrivée. Perdu au milieu des bois et bordé d’un lac, le refuge de Cristina Balducci, à deux heures de route à l’ouest d’Helsinki, semble camouflé par son architecture toute en bois et en vitres, pour autant très moderne. Pensée par son grand-père, l’architecte finlandais Veijo Martikainen, comme un havre hors du monde, faite pour accueillir la famille de génération en génération, la demeure poursuit tranquillement sa mission depuis. Ici, le temps n’a pas de prise et la nature, tous les droits. C’est une maison de vacances, une vraie, ouverte sur l’extérieur, pleine de joie simple et de lumière. A l’intérieur, rien n’a changé depuis sa construction : ni les murs, ni les meubles. Tout est fait pour durer. « C’est ici que sont logés mes plus purs souvenirs d’enfance » nous souffle sa propriétaire. La tribu – cinq enfants – nous accueille sur le pas de la porte et nous entraîne dans son tourbillon habituel. On se prend à penser que Jane Austen n’aurait pas décrit plus joyeuse vie de famille à notre époque. Au milieu des rires, des chants, des bagarres et des promenades, on se fond le temps d’un instant dans cette vie légère, et pourtant tellement ancrée – enracinée, devrait-on dire –, si vraie. Visite guidée.
Lieu
Finlande
texte
Elsa Cau
Photographies et Vidéos
Valerio Geraci, Maeva Dayras
TSF
Cristina, Fred, qui êtes-vous ?
Cristina
Nous sommes un couple composé de deux personnes ayant grandi dans des époques différentes – nous avons 18 ans d'écart – et avec une éducation très différente. Fred est belgo-belge, moi j'ai eu une sorte de vie d'expat prolongée car nous sommes arrivés en belgique pour le travail de mon père et avons fréquenté des écoles internationales, les amis de mes parents étaient plutôt internationaux eux aussi. Fred est issu de famille nombreuse contrairement à moi. Nous sommes très différents, et ce qui nous unit c'est ce même amour de la famille. Fred est posé, il cherche la sérénité, l'ancrage, il est très conservateur. Moi je suis plutôt une grande excitée de la vie, j'ai envie de bouger, de découvrir, de voir autre chose, de tout remettre en question. Nos enfants vivent une vie entre les deux, c'est génial les équilibres ! (Rires) On est très proches de nos amis, peu stressés par la vie, on ne se met pas beaucoup la pression pour quoi que ce soit.
TSF
Quel est votre parcours, à chacun ?
Cristina
Fred a été banquier pendant des années, en partie à New York et quand il est revenu en Belgique, il a lancé avec un pote les bars à jus, Guapa, qu’il a revendu depuis pour se lancer dans une nouvelle enseigne, Bon, qui compte désormais 11 points de vente en Belgique. Pour ma part, après mes études, je me suis occupée des garçons pendant deux ou trois ans, et j’ai rejoint Fred dans sa boîte. J’ai lancé il y a quelques années un compte instagram, Bonjour Georges, pensé comme un simple journal de vie, mes souvenirs et mes coups de cœur. J’adore ce compte et les rencontres qu’il a initiées, il m’a aidé à réaliser beaucoup de rêves, à prendre confiance en moi, à apprendre et faire des expériences. J’ai un peu de mal avec ce que devient l’influence, cette façon moins spontanée de travailler avec les marques, bien que je sois complètement pour une communication transparente et claire sur le sujet vis-à-vis des personnes qui me suivent. Dans les années à venir, j’aimerais continuer à l’alimenter comme ce petit journal que je chéris, avec un côté très personnel, authentique et spontané. C'est hyper important pour moi que ça ne devienne pas mon boulot à plein de temps, pour garder ce côté très vrai et sincère.
TSF
Quelles sont vos actualités professionnelles ?
Cristina
Aujourd’hui, j’ai envie d’avoir mon projet à moi, je ne vais pas revenir chez Bon après mon congé maternité, ainsi que nous l’avions prévu. J’ai navigué dans une zone de confort pendant ces dernières années, qui m’a permis la flexibilité et la stabilité pour m’occuper des enfants, qui étaient ma grande priorité. Maintenant, j’ai envie de prendre des risques, de me dessiner une nouvelle vie professionnelle. J’ai l’opportunité de travailler avec une amie dans le secteur de l’ameublement et du design, j’espère qu’elle va se concrétiser.
TSF
Racontez-nous l’histoire de ce lieu.
Cristina
C’est avant tout une histoire de famille, une maison dessinée par mon grand-père et mon oncle, décorée par ma grand-mère et ma maman. L’annexe, la première partie de la maison, a été construite en 1989. La maison principale, en 1993. Nous n’y avons plus touché depuis, tout est d’origine, intact, du sol au plafond en passant par le mobilier. Mes grands-parents, Veijo et Ari-jukka Martikainen, admiraient beaucoup les travaux de Le Corbusier, Mies van der Rohe et Oscar Niemeyer. Pour autant il me semble que le style de mon grand-père lui était personnel. Mon oncle Ari était lui très sensible au design d’Alvar Aalto. Mes grands-parents n’ont jamais été des bêtes sociales, les Finlandais le sont rarement. Ils aiment les choses simples, ils aiment même le silence. La maison a été conçue avec peu de couchages, parce qu’ils imaginaient venir ici uniquement en famille alors que nous sommes toujours ici avec d’énormes bandes d’amis, presque en camping parfois !
TSF
Dans quel environnement avez-vous grandi et comment a-t-il influencé votre goût ?
Cristina
On a baigné dans les jolis meubles toutes notre enfance, mes grands-parents achetaient des meubles pour toujours eux. Tout a été pensé dans le moindre détail, jusqu’aux couverts. Un beau jour de l’été 1993 nous sommes arrivées dans cette maison terminée et prête à l’emploi, c’était notre Disney à nous. Chacun y a amené son histoire et ses passions : mes grands-parents y passaient peu de temps, mais ce qui les animait, c’était leur verger. Mon oncle, lui, bricolait, fan de high-tech il voulait toujours avoir du son et une image impeccable avec des installations ultra modernes pour des films à partager comme si on était dans l’écran. Mon père, la pièce rapportée venue d’Italie, est celui qui a le plus investi la mer : il nous a emmenés pêcher des heures durant, on a navigué en bateau pour découvrir des îles secrètes. Ma maman adorait nager, elle partait toujours si loin que mon père en anxieux qu’il était lui passait de bons savons à chaque fois parce qu’il la trouvait inconsciente ! Maintenant, avec mon frère, c’est une nouvelle génération qui installe ses habitudes. Nous, on aime bien venir ici avec des potes, les repas partagés, les journées sur l’eau, des sports en tout genre. Et notre maison évolue avec nous comme si elle était la garante de ces bonheurs. Je passe un mois tous les étés ici depuis que je suis née (une annexe de la maison a été construite déjà en 1989 lorsque j’avais un an). D’avoir une famille chez qui l’architecture est reine m’a sensibilisée à l’esthétisme. Et bien sûr, a créé l’amour inconditionnel chez moi du design.
TSF
Quel est votre rythme de vie, ici ?
Cristina
Cet endroit me remet les pendules à l’heure à chaque fois. Ici seul le moment présent compte, l’heure n’existe pas, on vit au rythme de la nature et du soleil. Tout est permis, pas de chichis, le pyjama devient un uniforme, autant que les maillots avec des bottes aux pieds parce que parfois on croise des serpents et plein d’autres petites bêtes. On a souvent un rendez-vous par jour pour partir quelque part en bateau, sinon tout le monde est libre de faire ce qu’il veut quand il veut, il y a toujours quelqu’un dans la cuisine, un autre sur le ponton ou sur le grand rocher. "Le grand rocher est l’endroit emblématique de cette maison. Enfant, j’avais très peur de la mort et un jour, mon père m’a affirmé que nous aurions rendez-vous lui, ma mère, mon frère, et moi sur le rocher, le 11 juin 2100 à midi ; qu'importe sous quelle forme." Depuis, tous les soirs, on y observe des couchers de soleils merveilleux, en mangeant du fromage et en sirotant du cidre à la poire ou du jus de myrtilles, avec des petits pois frais !
TSF
Comment décririez-vous l’ambiance de cette maison ?
Cristina
En fait il y a très peu de couleurs dans cette maison, beaucoup de blanc, du bois et des touches de jaune. C’est ultra apaisant tout en étant chaleureux. D’année en année, voir la lumière entrer dans notre maison jaune, ultra moderne dans un environnement ultra sauvage, me procure les mêmes émotions renversantes de joie et d’aboutissement. Aucun endroit ne sera jamais aussi merveilleux à mes yeux. Je veux que cette maison passe de génération en génération et que chacun continue à y prendre ses habitudes et à reprendre celles qui lui plaisent de ses aînés. J’ai envie de faire découvrir ce pays merveilleux à tout le monde.
TSF
Comment les enfants vivent-ils ici ?
Cristina
Les enfants sont tous très sensibles à la beauté de cette maison et ils l’adorent. C’est une grande plaine de jeux cet endroit pour eux, la mer, la forêt, on vit dehors et tout à un côté magique.
TSF
Parlez-nous d’une pièce que vous aimez tout particulièrement ici.
Cristina
Le tableau jaune, Chinatown de Jaan Elken, un artiste estonien. la desserte d’Alvar Aalto pour Artek. Les blocs de verre au-dessus de la cheminée. L’odeur du bois. Le niveau de finitions !
"Le grand rocher est l’endroit emblématique de cette maison. Enfant, j’avais très peur de la mort et un jour, mon père m’a affirmé que nous aurions rendez-vous lui, ma mère, mon frère, et moi sur le rocher, le 11 juin 2100 à midi ; qu'importe sous quelle forme."
TSF
Quelles sont vos bonnes adresses à recommander dans les environs ?
Cristina
Farmors café högsåra une petite trotte en ferry, mais ce resto sur une petite île est magique et hors du temps. Matildan kartano à Matildedal, c’est un petit port, à trois minutes à pied en entrant dans les terres il y a ce petit resto/boulangerie qui a des produits incroyables, des desserts délicieux à déguster dans un petit jardin un peu anglais. Et il faut passer la journée à Fiskars ! L’été il y a souvent des expos sympas, et plein de chouettes restos.
TSF
Que pensez-vous de The Socialite Family ?
Cristina
Je ne rate pas un épisode du média depuis des années. Je suis quelqu’un de très éclectique, donc observer plein de styles différents avec ce même souci du détail, ça m’enchante.
TSF
Avez-vous une pièce favorite dans notre collection ?
Cristina
La table basse
évidemment. Je la verrais bien chez moi, à Bruxelles.
"Ici seul le moment présent compte, l’heure n’existe pas, on vit au rythme de la nature et du soleil."