Familles

Près de Gordes, au coeur du massif du Luberon, une maison d'architecte des années 1970 repensée par deux esprits créatifs

Bertrand Waldbillig Michele Bulgherini

Chez

Bertrand Waldbillig, Michele Bulgherini et Tobia

Elle se dresse perdue au milieu de la nature environnante, entourée de ses grands pins et de ses oliviers aux troncs tordus, de ses chênes grimaçants, de ses lavandes et de son thym sauvage, tombée d’un roman de Giono, de Magnan ou de Pagnol. Mais le (beau) cliché s’arrête là. Certes, le Luberon, son massif et sa nature quasi mystiques sont au rendez-vous. Mais le coup de foudre de Bertrand Waldbillig – marchand spécialiste des années 1970 aux puces de Saint-Ouen – et de Michele Bulgherini – directeur de la création d’une agence parisienne – n’est autre qu’une maison d’architecte de 1974. Adieu mas provençal aux volets bleus : bienvenue dans le goût bien défini, élégant, artisanal et surtout architectural du couple parisien. Ici, le bois, l’acier, le plâtre se mêlent aux pièces chinées et aux éléments conservés de l’ancienne maison pour créer une harmonie, une vraie. Comme une histoire d’héritage et de respect. Rencontre entre deux baignades.

Lieu

Luberon

texte

Elsa Cau

Photographies et Vidéos

Jeanne Perrotte, Carine Bouhier

TSF

Bertrand, Michele, pouvez-vous vous présenter ?

Bertrand

J’en suis à ma troisième reconversion professionnelle, mais toujours dans des univers qui me passionnent : l’automobile de collection, l’horlogerie et maintenant la décoration et le mobilier du XXe siècle. Avec un fil conducteur évident : les beaux objets, leur histoire et la façon de les mettre en scène. Avec mon associée Clémence, nous proposons à Serpette, aux puces de Saint-Ouen, une sélection assez large de meubles et de luminaires des années 1940 à 1980. Avec une prédilection pour l’Italie des années 1970, comme avec la paire de fauteuils Cornaro signés Carlo Scarpa que nous présentons en ce moment.

Michele

Je suis né à Rome où j’ai fait des études de direction artistique. Débarqué à Paris à 23 ans, j’y ai poursuivi ma carrière dans différentes agences, principalement dans l’univers du luxe. Je suis maintenant directeur de la création d’Egon Paris, l’agence de mon amie Séverine Breton spécialisée dans le vin, les spiritueux et l’art de vivre en général. Mes passions : la danse contemporaine, le dessin ancien et moderne, la décoration et, évidemment, notre chien Tobia.

TSF

Comment s’est formé votre œil, à chacun ?

Michele

C’est une histoire de famille, bien sûr ! À l’âge de 8 ans, j’ai suivi mon père et mon grand-père dans une vente aux enchères. J’ai été éduqué à ces achats compulsifs, à cette émotion incontrôlée. J’ai été captivé par cette réponse à l’envie immédiate. Mon goût, c’est avant tout une attention particulière à l’objet au sens large, de la tasse à café au grand tableau… Dans mon cas, il ne s’agit pas d’un goût précis pour une époque ou pour un support, j’aime toutes sortes de choses qui attirent mon œil. Aucun doute : je suis un acheteur compulsif.

Bertrand

Mon grand-père était artiste peintre et a éveillé le sens artistique de presque toute la famille. Ma grand-mère, son épouse, avait peu de moyens mais beaucoup de goût. Elle avait acquis une petite maison de campagne en Champagne où j’ai passé la plupart de mes vacances. Il fallait alors l’accompagner à toutes les brocantes de la région pour chiner. À Paris, on la retrouvait au marché Saint-Pierre. Elle avait un vrai sens de la décoration, des couleurs et des matières. Elle m’a aussi appris les bases de la restauration d’un meuble. Tout est parti de là.

TSF

Au fil des années, comment votre goût a-t-il évolué ?

Michele

Pour ma part, tout a changé avec mon arrivée à Paris : d’un goût italien, romain même, très chargé, tout en mobilier de famille XVIIIe presque oppressant et omniprésent, je suis passé à… l’appartement meublé en location ! J’ai dû découvrir d’autres types de meubles, plus pratiques, plus légers et fonctionnels. Puis la rencontre avec Bertrand a développé et affiné mon goût pour le XXe siècle. À ses côtés, j’ai appris à reconnaître ce qui est beau et rare, joli mais plus commun… J’ai développé un regard plus critique et plus attentif.

Bertrand

Chez moi, c’est une déformation professionnelle. Au marché Serpette (des puces de Saint-Ouen, ndlr), nous recherchons régulièrement pour nos clients des pièces rares, tout du moins intéressantes, qu’on ne voit pas partout. Forcément, c’est aussi ce que l’on veut chez nous… Sans pour autant en faire une posture et vouloir se différencier à tout prix : il y a des incontournables que l’on adore et que l’on ne se refuse pas ! Et puis, avec le projet commun que nous avons de cette maison, notre goût a évolué vers une démarche d’harmonie plus que d’accumulation. On aime que les pièces se répondent entre elles, créent une ambiance plus cohérente, qu’elles soient intégrées dans leur environnement.

Nous n’avons pas vraiment un goût défini… C’est fluctuant. Un mélange : certains objets sont là depuis très longtemps, d’autres sont acquis sur un coup de tête.

TSF

Bertrand, on s’était donné rendez-vous dans six ans… Qu’est-ce qui a changé, depuis ?

Bertrand

Je suis toujours aux puces de Saint-Ouen, où je me suis associé, depuis, avec ma voisine Clémence Saffar pour créer la galerie Inverno. Mes envies ont aussi évolué ! À l’époque, vous étiez venues dans un appartement haussmannien, aux volumes assez classiques. Là, nous nous tenons dans une maison d’architecte des années 1970. J’aime toujours le goût de cette époque, qui est ma période de prédilection, mais moins « bling », peut-être…

Michele

On a troqué le laiton contre le bois et l’acier.

Bertrand

Disons que j’aime toujours autant ce côté théâtral, amusant de la décennie 1970. Mais que je privilégie maintenant plutôt les formes et les matières naturelles, organiques. Cela nous a été apporté par notre environnement immédiat : ici, la maison est posée au beau milieu de la nature. Notons également que mon activité professionnelle m’influence évidemment : ces dernières années, le goût des clients évolue également. Ce qui m’importe désormais, dans l’objet, c’est sa matière, sa dimension artisanale et son côté architectural. D’ailleurs, je suis fou de mobilier d’architecte. Une dernière grande différence, ces dernières années, c’est que je n’ai plus de mal à me séparer de mes acquisitions. Le décor est fluctuant, les meubles et les objets passent d’une pièce à l’autre. Je leur suis moins attaché qu’à la manière dont ils s’intègrent à leur environnement. Et puis, leur vie ne s’arrête pas chez nous, elle continue ailleurs.

TSF

Vous n’êtes pas originaires d’ici. Pourquoi ce choix du Luberon ?

Bertrand

Nous connaissions un peu la région grâce à des amis du coin. Et puis, j’avais dans l’idée de me rapprocher d’une partie de ma famille qui s’était établie en Provence. Un peu par jeu, j’avais mis une alerte assez large sur les sites d’annonces immobilières. Parmi les premières réponses que j’ai reçues, il y avait cette maison.

Michele

C’est le jeu du hasard !

Bertrand

Elle cochait toutes les cases de ce que nous recherchions dans l’idéal : une maison dans un environnement entièrement naturel, une demeure d’architecte des années 1970, bien sûr, ma période absolue !

Michele

Nous l’avons visitée un jour de décembre, ce qui n’est pas idéal pour une maison du Sud… Mais ce fut le coup de foudre ! Nous avons franchi sa porte et, tout de suite, avons pensé qu’elle était la nôtre.

Bertrand

Pour autant, nous ne savions pas dans quoi nous mettions les pieds : c’était une maison vraiment dans son jus et très grande par rapport à nos besoins. Mais l’on cherchait aussi une maison pour recevoir nos amis et notre famille…

TSF

Quelle est l’histoire de cette maison ?

Bertrand

Elle a été construite en 1974 par Gottfried Silberbauer, un architecte parisien, en tant que résidence secondaire. Mélomanes, entourés d’amis artistes dont les œuvres et les meubles ornaient d’ailleurs l’intérieur, son épouse et lui-même formaient un couple très sociable et sans enfants. On a su par la suite, en discutant avec des voisins, que tous les jeunes du village avaient appris à nager dans la piscine ! La maison a été très bien conçue : en accord avec son environnement, parfaitement pensée du point de vue des expositions, très agréable à vivre en toute saison… Il y a d’abord cette arrivée au nord, avec un grand mur de pierre très architectural et presque inhospitalier. Mais quand on entre, on découvre que toutes les pièces de vie sont communicantes, mais aussi sur le panorama du massif du Luberon. La maison est construite en restanque, la partie basse est enterrée, ce qui crée une climatisation naturelle : c’est là que nous prenons nos quartiers d’été. Nous n’avons pas touché à la structure, à la circulation des pièces et à leur disposition. Chaque destination est ainsi conservée de l’ancien plan : le bureau, les chambres, les salles de bains, les cuisines, le salon… L’endroit est très agréable à vivre, très moderne : chaque chambre possède sa salle de bains et est plaisante au quotidien, les parties communes fédèrent facilement.

TSF

Comment avez-vous pensé votre intérieur ?

Bertrand

Nous avons essayé de recréer une ambiance assez fidèle à ce que les anciens propriétaires avaient pensé. Une anecdote illustre assez bien notre démarche : un lissier que je connaissais de nom par mon métier, Daniel Drouin, s’est installé dans la région dans les années 1970, après avoir exercé aux Gobelins à Paris. Il a travaillé pour de grands noms de l’art comme Calder. À Gordes, puis à Venasque, il a commencé à créer des tapisseries à partir de ses propres cartons. Un peu par hasard, au gré d’une de nos promenades dans la région, nous sommes tombés sur un panneau indiquant son atelier. En discutant avec son épouse, nous avons découvert que les anciens propriétaires lui avaient commandé une tapisserie sur mesure pour le salon. En nous inspirant d’une photographie retrouvée par le couple, nous avons chiné en salle des ventes une tapisserie de Daniel Drouin, de la même période, aux couleurs qui nous plaisaient.

Michele

Nous avons conservé tout ce qui pouvait se garder : l’ancien carrelage que nous avons retrouvé dans l’atelier et avec lequel nous avons prolongé les murs de la cuisine, les volets de la maison toujours en place, la rambarde autour de la piscine, ouverte sur la nature, le sol partout dans la maison, la cheminée… Et j’en passe. L’idée n’est pas de faire contraste entre « neuf et ancien ». Au contraire, nous avons décidé de ne pas toucher à la structure existante, à l’âme de cette maison. Mais de juste prolonger, retoucher, actualiser.

Bertrand

Pour une maison des années 1970, les choix qui avaient été faits à l’époque restaient d’ailleurs très actuels. Les salles de bains, par exemple, sont toutes revêtues de faïence blanche, alors qu’à cette époque on tombe rapidement sur des couleurs très vives et datées. Pour le reste, on se fond dans le décor. Michele est très sensible aux œuvres d’art, moi je chine beaucoup de mobilier… Mais il n’y a pas de règle.

Michele

Nous n’avons pas vraiment un goût défini… C’est fluctuant. C’est un mélange : certains objets sont là depuis très longtemps, d’autres sont acquis sur un coup de tête, parfois des pièces intègrent notre intérieur après une longue réflexion… La maison se fait avec le temps.

L’idée n’est pas de faire contraste entre « neuf et ancien ». Au contraire, nous avons décidé de ne pas toucher à la structure existante, à l’âme de cette maison. Mais de juste prolonger, retoucher, actualiser.

TSF

Ici, la star, c’est la nature.

Bertrand

Exactement. Ç’a d’ailleurs pris le dessus sur la décoration intérieure. L’écrivain provençal Pierre Magnan, originaire de Manosque, se décrivait ainsi : « Vit avec son épouse en Haute-Provence dans un pigeonnier sur trois niveaux très étroits mais donnant sur une vue imprenable. L’exiguïté de la maison l’oblige à une sélection stricte de ses livres, de ses meubles, de ses amis. Il aime les promenades solitaires ou en groupe, les animaux, les conversations avec ses amis des Basses-Alpes, la contemplation de son cadre de vie. » Notre maison est un peu pensée de la même manière : ouverte sur la nature, cet environnement qui appelle à la contemplation. Le jardinage a pris autant d’importance que le décor dans nos existences ! Nous vivons beaucoup à l’extérieur.

Michele

Nous avons privilégié le jardinage sans arrosage, avec des essences de la région. Les anciens propriétaires avaient planté beaucoup d’arbres. Tout ce que nous avons apporté, ce sont des variétés locales, que l’on prend dans la nature autour de nous pour les replanter, pour donner un effet naturel et qui correspond aux contraintes actuelles en matière d’économie d’énergie et de respect de l’environnement.

Bertrand

D’un point de vue décoratif, la piscine est par exemple le miroir de cette nature environnante. Nous l’avons voulue gris-vert, pour se fondre au milieu des chênes vert et blanc, des pins et des oliviers. Nous avons la chance de vivre dans ce jardin à ciel ouvert qu’est le Luberon. Notre jardin est le simple prolongement de son milieu naturel.

TSF

Si vous deviez nous parler d’une pièce de la maison, ce serait…

Bertrand

La terrasse. Qui est l’extension du salon. Elle offre un panorama sur le massif du Luberon sans aucun vis-à-vis. C’est l’endroit de la maison où l’on passe beaucoup de temps à n’importe quelle saison, c’est de là qu’on peut le mieux apprécier notre environnement et les saisons qui se succèdent. Le sol qui est le même dans toute la maison, du grès d’Artois, est très typé années 1970 et ne correspondait pas forcément à nos goûts, mais on a appris à vivre avec et à l’apprécier. Nous nous sommes aperçus que la matière comme la couleur correspondaient parfaitement à cet endroit…

Michele

La cheminée du salon ! C’est le point de départ de la décoration de la maison, et aussi son centre névralgique. Tout s’articule autour, le décor comme la vie quotidienne. À l’origine, nous voulions changer beaucoup de choses et notamment cette cheminée que nous imaginions plutôt dans l’esprit de Valentine Schlegel… Et puis en vivant dans la maison, notamment pendant les confinements successifs, nous avons compris que peu de choses avaient besoin d’être modifiées. Nous nous sommes donc contentés de la rafraîchir et c’est un des éléments qui donne vraiment le « la » au reste de l’intérieur comme à notre quotidien.

TSF

Pour vous, l’esprit The Socialite Family, c’est…

Michele

C’est, derrière le terme « famille », le sujet élargi de la question de l’habitation, de la vie que cache une maison. Ce n’est pas qu’une question de décoration et de choix stylistiques ; ce qui fait la différence, qui donne vie à des espaces, ce sont bien les gens qui l’habitent. Les choix de décoration sont le reflet de l’âme, d’une présence. The Socialite Family, c’est rendre la décoration vivante.

Bertrand

J’ajouterais que c’est aussi la manière dont les gens s’approprient leur intérieur, loin des diktats imposés par les modes et les magazines relayant des lieux toujours vides. On se demande souvent si l’on y vit vraiment. Quand on découvre un intérieur The Socialite Family, on voit tout de suite que ce sont des lieux que les gens se sont véritablement appropriés.

TSF

Si vous deviez choisir une pièce de la collection à adopter, ce serait…

Bertrand

Le guéridon et la table basse Carlotta, l’une des premières pièces de la collection, il me semble. Elle correspond au style de meubles qu’on aime : élégants, aux accents 1970 et aux matériaux nobles comme la laque et le marbre. Dans la dernière collection, nous avons aussi beaucoup aimé la tête de lit Renato en loupe d’orme qui répond à nos envies du moment : des matières naturelles et des formes simples, avec une petite note sophistiquée très seventies.

TSF

Avez-vous quelques adresses du coin à nous souffler ?

Bertrand et Michele

Nous avons la chance d’être à quelques encâblures de l’Isle-sur-la-Sorgue où nous allons régulièrement chiner. C’est aussi le cas à la brocante de Carpentras le dimanche matin, où l’on croise nos amis antiquaires de la région. La pépinière Appy à Roussillon est l’incontournable pour tous les jardiniers du Luberon. Et, depuis quelques mois, son espace Appy Corner propose de jolies pièces anciennes. Le café Le Progrès à Ménerbes. Un bar tabac a priori dont la terrasse offre une vue magnifique sur les monts de Vaucluse et qui propose une cuisine inventive digne d’un gastronomique !

La maison cochait toutes les cases de ce que nous recherchions dans l’idéal : une maison dans un environnement entièrement naturel (...)

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