Chez
Jean-Michel Roccuzzo, éloge de la justesse
Jean-Michel Roccuzzo est un acrobate. Un esthète qui se joue de l’apesanteur en orchestrant de parfaits équilibres entre les pièces qui peuplent son intérieur. Pour les faire cohabiter dans l’harmonie la plus totale, ce créatif passé par la publicité a imaginé la fonction d’objet de liaison. Des sortes de passerelles qui fluidifient l’entente entre deux œuvres aux caractères différents. Une nécessité pour l’artiste qui apprécie autant les contrastes que les histoires qu’ils racontent. Ce sont elles qui le nourrissent. Le concept de son dernier projet plastique n’a donc rien de surprenant. Jean-Michel se réapproprie des images de fails dont regorge le Net pour les transformer en impressionnants tableaux, parfois abstraits, souvent surprenants mais définitivement plus fascinants qu’ils ne le sont à l’origine. Une variation comme améliorée par une trajectoire modifiée. Jean-Michel fait bouger les lignes. Comme chez lui, le changement est important. Les compositions – dans lesquelles il excelle – évoluent régulièrement au gré de ses acquisitions. Ne reste qu’une constante : sa collection de vaisselle japonaise. D’une délicatesse extrême et avec laquelle il aime à recevoir, veillant scrupuleusement à la justesse des accords entre soucoupes, bols et autres assiettes plates. The Socialite Family vous invite à pénétrer dans l’univers singulier d’un perfectionniste au raffinement hypnotisant.
Lieu
Paris
texte
Caroline Balvay
Photographies et Vidéos
Constance Gennari
TSF
Jean-Michel, qui êtes-vous ?
Jean-Michel
Parisien. Designer. Diplômé d’une école hôtelière et des Beaux-Arts. Je suis un directeur de création dans le domaine du luxe, spécialisé dans le design d’expérience. Je suis aussi un plasticien qui travaille sur des sujets de la culture web. J’ai un respect absolu pour les métiers d’arts et globalement le travail de l’objet.
TSF
Comment définiriez-vous votre style en termes de décoration ?
Jean-Michel
Je ne m’identifie pas à un style, mais je réfléchis en termes d’espaces avec des objets qui se parlent et qui cohabitent avec des contrastes et des caractères propres. Je suis attiré par les pièces qui ont des histoires et plusieurs vies.
TSF
D’où vous vient votre passion pour les meubles ?
Jean-Michel
Sans doute de mes études aux Beaux-Arts de Nancy. J’y ai dans un premier temps découvert l’Art nouveau avec les principaux acteurs de l’école de Nancy : Louis Majorelle, Émile Gallé, etc. Ensuite, au contact des objets et des projets d’architecture du génial Jean Prouvé, dont le concept d’industrialisation de l’objet d’art m’accompagne toujours.
TSF
Quelle période chérissez-vous le plus ?
Jean-Michel
Je ne suis pas attaché spécialement à une période en particulier car ce que j’aime, c’est la façon dont les objets contrastent tout en cohabitant. Par exemple, une lampe Tahiti d’Ettore Sottsass sur un guéridon Louis Majorelle peut parfaitement et naturellement dialoguer avec une table basse de Paul Evans ou de George Nakashima, tant qu’on y associe des objets de liaison. Par objets de liaison, j’entends des objets qui font office de passerelles entre d’autres aux caractères différents.
TSF
Un artiste dont le travail vous subjugue ?
Jean-Michel
Là, il y en a trop ! Une grande table sculpture de Philippe Hiquily, c’est de la poésie. Et puis George Nakashima, Paul Evans, Oscar Niemeyer, Dieter Rams, Ettore Sottsass, David Lynch, Marcello Mastroianni, Atom Egoyan, Alejandro González Iñárritu, Charlie Chaplin, Georg Baselitz, Alain Séchas, Peter et Bobby Farrelly, Louis de Funès… Je ne peux pas les compter.
TSF
Où allez-vous chiner ?
Jean-Michel
J’ai mon petit espace perdu dans le IXe arrondissement de Paris. C’est un lieu rare, sensible. C’est ici que j’ai pu parfaire ma culture de l’objet grâce à mes discussions privilégiées avec Jacques (un restaurateur passionné et antiquaire hors norme). J’y vais depuis treize ans ! Sinon, les voyages. Et pour tout le reste, il y a eBay.
TSF
Ê****tes-vous collectionneur ?
Jean-Michel
Pas exactement : je n’ai pas à cœur d’accumuler, de stocker. Les objets et leur histoire me nourrissent. Ils me font voyager et me connectent à des cultures différentes. Je passe beaucoup de temps à faire des changements, des variations, mais je ne suis pas un collectionneur (exception faite pour la vaisselle japonaise en espérant que ça me passe un jour… ou pas).
TSF
Quelle serait la pièce de mobilier de vos rêves les plus fous ?
Jean-Michel
Avoir un fauteuil Brasilia d’Oscar Niemeyer. Et quelques grands totems en céramique d’Ettore Sottsas.
TSF
En quoi consiste votre travail de photographie ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
Jean-Michel
Mon travail s’articule autour d’un processus d’anoblissement d’images tirées de la culture web – principalement du fail – qui sont au départ générées avec une obsolescence et pensées pour une consommation temporaire dans des flux.
TSF
Où peut-on se procurer vos œuvres ?
Jean-Michel
En me contactant à l’adresse suivante : jmroccuzzo@gmail.com.
TSF
Que manque-t-il chez vous ?
Jean-Michel
La machine à pâtes de ma grand-mère sicilienne.
TSF
Quelques bons restaurants à nous recommander ?
Jean-Michel
Mon cœur balance entre mes deux passions : Brutos et Le Galopin. Et une fois par semaine (parce que c’est indispensable), il faut aller à La Cave à Michel.
Je passe beaucoup de temps à faire des changements, des variations, mais je ne suis pas un collectionneur.