Inspiration
Le Couvent de Pozzo, un joyau corse
«Comment se porte notre très cher couvent ? » C’est le genre de phrase à laquelle est habituée Emmanuelle Picon. Héritière d’un joyau perché sur le cap Corse, le Couvent de Pozzo, la Marseillaise perpétue depuis cinq ans la tradition familiale. Celle instaurée par sa grand-mère dans les années 1970, laquelle fit de ce paradis terrestre ce qu’il est aujourd’hui : un lieu de vacances idyllique destiné aux amoureux de l’île de Beauté. Les murs en pierre de cette bâtisse érigée au XVᵉ siècle ont vu défiler du monde. Une petite douzaine de moines capucins d’abord, dans leur quête de piété et de pauvreté. Puis l’ancêtre de la famille d’Emmanuelle, un noble bastiais du nom de Jean Ristori. Les années passent, ainsi que les consonances en i. Seul le Couvent de Pozzo reste. Son esprit monastique aussi. Une volonté affichée de la part d’Emmanuelle, première à faire vivre sa famille dans ce lieu sacré. Que les moines soient tranquilles, son âme est préservée. Ne changent que les plaisirs simples que cultive l’hôte pour ses clients. Une « expérience éloignée des standards du luxe et des services hôteliers au confort normé ». Comprendre ici une certaine forme de raffinement conduit par une simplicité vraie. Emmanuelle, qui évolue dans ce décor à l’année, sait ce que sa terre a de mieux à offrir. Citrons, oranges : c’est au Couvent de Pozzo qu’ils sont produits. À table, c’est encore elle qui officie. Fleurs de courgettes farcies, brocciu frais, figatelli à se damner… On déguste, coupe, goûte le tout face à l’étendue de la Grande Bleue. Pas la piscine, la mer. Immense et belle à nous éblouir. Comme tout ce qui nous entoure.
Le Couvent de Pozzo – 20222 Brando. Réservations par téléphone au 04.95.60.39.11 et sur www.couventdepozzo.com
texte
Caroline Balvay
Photographies et Vidéos
Constance Gennari
TSF
Emmanuelle, pouvez-vous vous présenter ?
Emmanuelle
Tout juste 40 ans, des études de droit, ex-parisienne, ex-modeuse, citadine dans l’âme, campagnarde d’adoption (car oui oui, c’est bien le terme qui résume notre vie aujourd’hui !). Quinze ans de Paris ça laisse des traces. Enfin, un goût pour l’excellence et l’ouverture d’esprit.
TSF
Quel est votre rapport avec la Corse ?
Emmanuelle
La Corse coule dans mes veines. J’y viens depuis que je suis née, tous les étés, tous les hivers, toutes les vacances en fait ! Je connais peu la France. Marseille où je suis née, Paris où j’ai vécu quinze ans et la Corse. C’est un peu le problème quand on est corse. On vient toujours ici, sur cette île de Beauté. On l’adore autant qu’on la déteste. On l’aime pour la beauté pure de ses paysages – contemplation. Quand on l’aime moins, ça a toujours un rapport à l’enfermement – vivre sur une île.
TSF
Pouvez-vous nous raconter l’histoire du Couvent de Pozzo ?
Emmanuelle
La construction remonte à 1480-1550. Y résidaient une petite douzaine de moines capucins ayant fait vœu de pauvreté. En 1794, au moment où les biens de l’Église sont passés dans le domaine public, le couvent a été acquis pour une bouchée de pain par un de nos ancêtres : Jean de Ristori, un notable bastiais. Tour à tour maison Ristori, Giordani, puis Mattei, maison de vacances la plupart du temps, c’est dans les années 1970 que mes grands-parents sont venus s’y installer pour en faire ce qu’elle est aujourd’hui. Cette maison est un membre à part entière de la famille et va bien au-delà de la simple possession patrimoniale. J’ai retrouvé des tonnes de lettres demandant comment se portait « notre très cher Couvent ». Chacune des générations y ayant apporté sa contribution. D’ailleurs, huit ans plus tard, nous y voici. Avec beaucoup d’humilité, nous l’amènerons jusqu’à la prochaine étape. Cette maison doit traverser le temps comme elle le fait si bien depuis plus de 500 ans ! C’est quand même quelque chose de vivre dans un lieu historique. Mes enfants sont les premiers à grandir au Couvent. Qui sait ce qu’il en adviendra dans le futur ?
TSF
Comment avez-vous souhaité le transformer ?
Emmanuelle
Cette maison est l’âme de ma grand-mère. Avec elle, je me révèle plus conservatrice que j’imaginais. Alors oui, nous avons rénové les salles de bains, repeint les plafonds en blanc, changé les rideaux à fleurs et les meubles de jardin. Mais c’est à peu près tout. Pourquoi vouloir à tout prix changer les choses qui sont très bien telles qu’elles sont ? Ah oui, nous avons rajouté le WiFi aussi, l’ouverture sur le reste du monde !
TSF
Quelle est votre journée type avec les enfants ?
Emmanuelle
À la campagne, nous vivons au rythme des saisons. Toute l’année, nous nourrissons les poules, observons la nature et apprenons à dire bonjour dans toutes les langues ! Nous partons à la cueillette des asperges, des champignons, des châtaignes, des mûres ou des framboises : les plaisirs de la vie simple en somme. En été, nous nous voyons très peu. Encore moins que si l’on vivait toujours à Paris. Alors oui il y a bien quelques bains dans la piscine et des virées à notre petite paillote préférée, mais si peu ! En hiver, nous restons collés. Nous arpentons la Corse et voyageons dès que nous le pouvons. C’est le secret de l’insularité : rester curieux, ouvert et surtout VO-YA-GER !
TSF
En termes de décoration, quelle est votre époque préférée ?
Emmanuelle
Je n’en ai pas ! J’aime à peu près tout sauf le design minimaliste, l’hypercontemporain et le style asiatique. Mon antre est un joyeux mélange de genres où vous n’accéderez pas tant il est bordélique. Je fonctionne au coup de cœur, j’aime les objets, tous les objets, en accumulation. Fan des atmosphères épurées, mieux vaut ici s’abstenir !
TSF
Comment avez-vous souhaité rendre le lieu ? À qui s’adresse Le Couvent de Pozzo ?
Emmanuelle
J’ai ouvert les portes de cette maison pour la partager, partager cette vue incroyable. Je ne souhaite pas en faire autre chose qu’un espace familial. J’y reçois mes hôtes comme je reçois mes amis ou ma famille. Dans une maison comme celle-ci, il a toujours été question de grandes tablées, de repas généreux et bien arrosés alors nous continuons comme cela. Le Couvent s’adresse aux gens sympas ! Aux personnes à la recherche d’une expérience éloignée des standards du luxe et des services hôteliers au confort normé. On vient au Couvent pour une certaine forme de raffinement et de simplicité, on s’y sent rapidement comme dans un endroit qui nous est familier. C’est peut-être ça le nouveau luxe ? En tout cas, ceux qui viennent une fois finissent toujours par revenir.
TSF
Et enfin, pouvez-vous nous confier la recette de l’été du Couvent de Pozzo ?
Emmanuelle
Avec plaisir ! Voici celle de la « Roquette à ma façon ». Pour cela, il vous faut mélanger la salade à des amandes, des noisettes, des pistaches concassées et des pignons torréfiés. On y ajoute la pancetta (charcuterie corse) taillée en lardons et revenue au préalable, mais aussi des croûtons de pain maison cuits dans la même poêle que celle qui a servi à cuire le lard avec un peu de beurre, du romarin, une gousse d’ail émincée et de la fleur de sel. Enfin, voici venu le tour des groseilles pour la couleur et l’acidité (ça marche aussi avec la grenade). Pour l’assaisonnement : sel, poivre, huile d’olive et citron seulement !