Inspiration
Villa Magnan, au Pays basque le réveil enchanteur d’une belle endormie
«C’est un peu une page blanche ou plutôt une page rose, comme ses murs », confesse Anne Israël en évoquant l’ambiance régnant entre les murs de la fière Villa Magnan. Inoccupée pendant près de quatre-vingts ans, la belle endormie, aux couleurs des murs – rose pâle, bleu-gris, jaune, orangé – semblables à celles du ciel à différents moments de la journée, s’extirpe petit à petit d’un long sommeil. Une sieste à rallonge dont elle se réveille les traits apaisés, rafraîchie par les travaux menés un an et demi durant par la nouvelle propriétaire du lieu et son mari, Jérôme. Difficile de croire, au vu de la beauté de ses volumes, qu’il ait pu être laissé à l’abandon. Et pourtant. Construit de 1927 à 1931 sur les plans de Louis Amédée Aragon – tous retrouvés au grenier – ce palais à l’allure de décor de film n’aurait été habité que de 1931 à 1936 par une prestigieuse lignée d’aristocrates espagnols. Celle de Fabiola – la reine des belges – et de ses parents les marquis et marquise Casa Riera, par ailleurs très liés au couturier Cristóbal Balenciaga. Un fascinant pedigree dans lequel la « tribu » Israël a pu s’immerger en en faisant, sur un coup de chance, puis grâce à leur pugnacité, l’acquisition. Sauvagement belle, délicieusement poétique dans ses affolants détails de précision, la Villa Magnan, c’est tout d’abord la Villa Château ; 1400 m² d’une architecture salvatrice en béton à l’intérieur art déco nichée au cœur d’un parc de trois hectares, dans lequel se situent trois dépendances de style néobasque. Ce sont elles qui abritent les chambres disponibles à la réservation. Pour l’instant. Avant que le confort « années 1930 » de la « Princesse », comme la Biarrote d’adoption la surnomme, évolue suffisamment pour également y proposer des nuitées. Pour se laisser aller à l’ambiance maison de famille qui flotte joyeusement entre ce mélange d’époques, d’esthétiques et de références : rendez-vous sur Instagram. L’unique point de contact entre l’enchanteur domaine, ses trublions à poils ou à plumes – de curieux habitants que nous vous laisserons le soin de découvrir par vous-même – et le monde. Ses merveilleuses imperfections, ses délirantes pièces à couper le souffle, ses ouvertures sur le panorama semblables à des tableaux grandeur nature : tout cela n’aurait pas la même saveur sans l’énergie si particulière qui circule dans l’air de la Villa Magnan. Une électricité créatrice, voire libératrice qui force à l’arrêt. Sur soi, sur le temps. Où l’on se sent en famille, bien évidemment.
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Villa Magnan, 64000 – Biarritz. À partir de 200 € la chambre/nuit (petit déjeuner compris). Réservations par Instagram : @villamagnan
texte
Caroline Balvay
Photographies et Vidéos
Eve Campestrini
TSF
Anne, Jérôme : pouvez-vous vous présenter ?
Anne
Nous sommes un couple, ensemble depuis 34 ans. Nous avons tous les deux œuvré dans le milieu du spectacle et du cinéma. Jérôme comme chef opérateur et moi, Anne, comme styliste ou chef décoratrice. Nous nous sommes connus très jeunes sur un tournage et nous sommes mariés pour faire la fête. Et la fête ne s’est jamais arrêtée ! Nous avons trois enfants, grands maintenant, et le sens de la famille chez nous est très important : nous fonctionnons volontiers en tribu.
TSF
Comment êtes-vous arrivés là, à Biarritz, dans cette villa au passé fascinant et mystérieux ?
Anne
Nous sommes restés pendant quinze ans à Montreuil dans une ancienne usine – immense et si belle ! – dans laquelle nous vivions et travaillions. Puis, il y a huit ans, nous avons acheté une maison de vacances dans l’hypercentre de Biarritz. Une vieille ferme de 1740. C’est une histoire improbable ! Celle d’une vieille dame qui avait décidé qu’on allait acheter sa maison. Ce que nous avons finalement fait ! Évidemment, nous avons commencé à fréquenter régulièrement Biarritz. Et c’est à force d’y venir que j’ai constaté que des choses manquaient à la ville. Je trouvais qu’il n’y avait pas de propositions un peu audacieuses, capables de séduire des gens comme moi. Comme nous sommes de grands aventuriers, nous avons pensé que nous pouvions créer quelque chose. Nous avons commencé à visiter différents lieux, mais rien de ce qui était alors à la vente ne nous séduisait. C’est seulement il y a deux ans, alors que nous ne cherchions plus, que cette merveilleuse propriété est apparue. Nous en sommes immédiatement tombés amoureux et nous avons quitté Paris.
TSF
Dites-nous en plus sur elle, sur son histoire.
Jérôme
La propriété a été construite de 1927 à 1931 et habitée de 1931 à 1936. Les propriétaires étaient le marquis et la marquise de Casa-Riera. Fuyant la guerre civile en Espagne, ils avaient fait construire ce petit palais comme un refuge idéal. Ils y ont passé cinq années en compagnie de leurs enfants, dont la future reine des Belges Fabiola. Ce qui était merveilleux quand nous l’avons visité, c’est que rien n’avait bougé depuis 1936. C’est une incroyable archive art déco !
TSF
Quels sont les travaux engagés depuis votre arrivée ?
Anne & Jérôme
La propriété est restée inoccupée pendant environ 80 ans. La famille, toujours propriétaire, n’y venait plus. Elle était donc presque à l’état de ruine quand nous l’avons achetée ! Les maisons dépendantes avaient énormément souffert du manque d’entretien : toitures, charpentes… Tout était à refaire. Ce qui a sauvé la grande Villa Château, c’est qu’elle était l’une des premières à avoir une architecture en béton. Elle avait subi un peu moins de dégâts ! Bien que nous ayons fait un an et demi de travaux, il reste quelques ouvrages à terminer, mais surtout la remise au propre des trois hectares du parc qui ont été transformés en jungle. Nous ne sommes toutefois pas pressés. La Villa a dormi si longtemps… Nous n’allons pas la réveiller trop brutalement !
TSF
Quels sont les styles qui y cohabitent ?
Anne
Les trois dépendances – la conciergerie, la maison du chauffeur et la maison du jardinier – sont de style néobasque. Je les ai décorées très librement ! Je ne crois pas qu’on puisse parler d’un « style » particulier, plutôt d’un savant mélange. Comme dans une maison de famille. Il doit y avoir des strates, un mélange d’époques, d’esthétiques. Des erreurs aussi ! Ce n’est pas du tout un style à la mode ou dans l’air du temps, d’ailleurs ça ne m’intéresse pas du tout. La grande villa, c’est pour le moment un peu comme une correspondance ou une partition. Une ponctuation d’un peu d’objets et d’œuvres d’art. C’est très léger car la villa se suffit à elle-même. Les proportions sont merveilleuses et les ouvertures sur le parc sont autant de grands tableaux de paysages, toujours changeants en fonction de l’heure et du temps. Ça me suffit amplement ! Je me moque éperdument d’avoir un coin salon ou une salle à manger. II y a fort longtemps que j’ai perdu ce sens-là de la décoration « traditionnelle ». Nous avions pris de très mauvaises habitudes dans notre immensissime usine à Montreuil.
TSF
Et les trésors qui la jalonnent ?
Anne & Jérôme
Tout est absolument merveilleux dans cette propriété. C’est, depuis le portail, comme dans un conte de fées. On observe une harmonie parfaite entre les différents bâtiments et le parc, aux arbres plus que centenaires ! Les mosaïques des salles de bains sont des bijoux. C’est une chance finalement que les propriétaires aient boudé la maison toutes ces années. Autrement, ils les auraient sans doute refaites pour les transformer et les rendre plus modernes ! Tout est beau, il n’y a rien d’autre à dire. C’est un lieu très romantique et sauvagement beau.
TSF
De quelle manière faites-vous vivre cette pension de famille au quotidien ?
Anne & Jérôme
Tout s’est fait très simplement. Nous démarrions une nouvelle aventure et en quelque sorte un nouveau métier. Donc nous sommes restés sereins et avons laissé les choses se dérouler tranquillement. Nous communiquons sur Instagram et les gens curieux nous contactent. C’est tout !
TSF
Quelle atmosphère désirez-vous y faire régner ?
Anne
L’atmosphère qui y règne est imposée par la beauté du lieu. Il y a ici quelque chose de magique. La maison a été si peu occupée qu’elle est presque vierge. C’est un peu une page blanche ou plutôt une page rose, comme ses murs. L’énergie est très belle. Je crois que les gens qui viennent la ressentent. C’est très libre, hors du temps. Cela impose un certain calme. Une pause.
TSF
La décoration est réalisée comme le serait un décor de film. La plupart des objets sont chinés. Quels sont vos endroits favoris dans la région pour cela ?
Anne
Je ne sais pas si la décoration est réalisée comme un décor de film. C’est plutôt que la décoration n’est pas de la « décoration » comme on la conçoit aujourd’hui, ce qui vous fait penser certainement à un film ! Les objets ont majoritairement été chinés dans les environs. J’ai pour habitude de ne jamais remettre les meubles et objets d’une maison dans une autre, donc nous sommes repartis de zéro. Je n’ai pas vraiment d’endroits préférés pour chiner. Il y a ici dans la région pas mal de petits marchés, mais aussi des brocantes. Malheureusement, de moins en moins d’antiquaires ou de brocanteurs. Alors, merci leboncoin !
TSF
Si vous deviez définir la bande-son de la Villa Magnan en cinq sons ?
Anne
L’océan quand il est fort. Le bruit du vent dans les grands arbres. Les centaines d’oiseaux. Mon coq et mon âne le matin. Et par moments, le train au loin, que j’appelle mon cheval de fer et qui court vers Paris.
L’atmosphère qui y règne est imposée par la beauté du lieu. Il y a ici quelque chose de magique. La maison a été si peu occupée qu’elle est presque vierge. C’est un peu une page blanche ou plutôt une page rose, comme ses murs.
TSF
Et le « casting » rêvé d’une journée chez vous ?
Anne
Le casting est déjà pas mal du tout et chaque jour est un rêve ! (Rires) Non, réellement, je ne sais pas trop. Peut-être Ava Gardner descendant nonchalamment mon grand escalier pour aller rejoindre Marguerite Duras et Agnès Varda à la piscine ! Là, c’est vraiment un rêve car la piscine n’existe pas. Enfin, pas encore…
TSF
Vous cuisinez pour vos invités ici. Chez qui vous fournissez-vous pour réaliser vos recettes ?
Anne
Nous nous limitons aujourd’hui à faire de merveilleux petits-déjeuners ! Nous y mettons vraiment tout notre cœur pour que ce soit comme un cadeau pour la journée. Je me fournis chez un petit épicier du coin qui fait un véritable travail de recherche de bons produits et de bons producteurs. Il s’appelle Chez Papa, c’est à Bidart. Je vais aussi chez les Bonnes Sœurs au Refuge à Anglet. C’est un grand moment de paix et de sérénité. Et aux fourneaux, c’est Isabelle, notre fée andalouse, qui prépare les meilleures compotes du monde, les puddings, les pancakes et autres douceurs ! Il nous arrive également de faire des déjeuners ou des dîners dans le cadre d’événements privatifs.
TSF
Quelles sont les adresses, les lieux que vous conseillez spontanément à Biarritz et ses alentours ?
Anne
Je conseille un peu toujours les mêmes. Pour les restaurants : la Plancha D’ilbaritz pour son coucher de soleil garanti mais aussi pour la gouaille du patron et la simplicité, la qualité de sa carte. Ensuite chez Carø, c’est très bon et ils sont réellement très sympathiques ! Sinon, j’envoie plutôt mes clients dans les terres. Enfin, quand on est en pleine saison, je leur réserve plutôt les endroits calmes. L’auberge du Fronton à Ustaritz, l’auberge d’Achtal à Arcangues ou le restaurant du Chêne à Itxassou. Et pour avoir les autres bons plans, il faudra venir ! J’en ai trop.