Familles
Une vie de création dans un château du Sud-Ouest
Chez
Mylène Niedzialkowski, Jules 12 ans et Paul 9 ans
« Il s’agit d’une grande bâtisse qui a été habitée autrefois par deux sœurs aromathérapeutes et il y règne à la fois une sérénité et une certaine folie (…). » En une phrase, Mylène Niedzialkowski donne le ton. Fondatrice des marques Georges et Soma, la créatrice nous ouvre les portes du château de Méritein. Un petit village situé sur le chemin béarnais de Saint-Jacques-de-Compostelle dans lequel s’établiront bientôt ses futurs ateliers et son showroom. En attendant la venue de ces derniers, c’est avec Jules, 12 ans et Paul, 9 ans que la touche-à-tout s’est installée. Durant l’intégralité des travaux, visant à rendre la vie possible entre ces murs historiques, les trois compères se sont follement amusés. Battle de petites chansons au piano (la famille est adepte des musiques de films d’horreur, très faciles à jouer !), construction d’une foule d’accessoires, lectures improvisées… Impossible de s’ennuyer dans ce lieu où tout prête à la bonhomie et où la maman et ses deux enfants ont prévu, même une fois les équipes installées, d’avoir une « aile » à eux ! Une vraie vie de châtelains bâtie à leur image, jalonnée par leurs objets fétiches et les pièces exceptionnelles développées pour Soma. Afin de les sublimer, elles et les incroyables savoir-faire locaux qui les ont façonnées, Mylène s’est « battue contre sa manière de tout accumuler ». En résulte un espace brut, réduit au strict minimum, teinté de sophistication et où les meubles semblent dialoguer entre eux. Les couleurs choisies – chaudes et terreuses –, la lumière – un rien cinématographique –, les matières – multiples : tout semble ici concorder à laisser la magie opérer. Une visite fascinante, bercée par le récit d’une femme passionnée par sa région et les possibilités artistiques infinies qu’elle offre. Sans aucun doute la plus belle manière d’amorcer notre rentrée !
Retrouvez l’univers singulier de Mylène Niedzialkowski dans notre livre auto-édité The Socialite Family, Retrospective. Un florilège des plus beaux intérieurs aperçus au fil de l’histoire de notre média à se procurer en boutique comme sur notre e-shop.
Lieu
Sud-Ouest
texte
Caroline Balvay
Photographies et Vidéos
Eve Campestrini
TSF
Mylène, pouvez-vous vous présenter ?
Mylène
Je suis originaire de Paris mais j’ai grandi à Hyères. Je vis depuis douze ans dans le Sud-Ouest, dans un premier temps dans les Landes et maintenant dans le Béarn. C’est ici que j’ai eu mes enfants, Jules 12 ans et Paul 9 ans, et c’est désormais ici que nous vivons tous les trois ! Nous y avons notre maison qui est, pour nous, un lieu où l’on se ressource, où on lit, où on construit mille objets en bois, en carton, en matières trouvées à droite et à gauche, et où on joue au piano. Depuis peu, nous passons de plus en plus de temps ici, dans ce qui deviendra les futurs ateliers de mes deux marques, Georges et Soma. C’est comme une maison de famille. Nous y avons emporté tous les petits objets auxquels nous tenons !
TSF
Où sommes-nous exactement ici ?
Mylène
Il s’agit du château du village, Méritein, situé sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. C’est ici que nous aurons bientôt nos équipes de production et notre showroom. Il s’agit d’une grande bâtisse qui a été habitée autrefois par deux sœurs aromathérapeutes et il y règne à la fois une sérénité (due notamment au grand parc) et une certaine folie (chaque étage déroule sa succession de pièces et de longs couloirs, c’est assez déstabilisant, au début). Tout le temps en travaux, nous l’avons néanmoins presque totalement investie, mes enfants et moi. Nous y passons nos week-ends ! À terme, nous y aurons d’ailleurs toujours notre « aile » pour profiter du parc que nous allons prochainement aménager en un lieu médicinal et aromathérapique. Je souhaitais associer Jules et Paul à cette démarche de culture ! Je voulais un lieu qui fasse un lien naturel entre ma famille et mon équipe. Cette bâtisse était parfaite. Je ne voulais pas d’un lieu de travail « pratique », plutôt une maison de campagne où chacun se sent bien, où l’on se retrouve autour de grandes tablées.
TSF
Comment vous êtes-vous approprié l’espace ?
Mylène
En y intégrant nos objets fétiches, quelques meubles que j’adore, des livres et nos lits. Paul a apporté des ustensiles de chimie et de médecine anciens qu’il aime redécouvrir à chaque fois comme un trésor et Jules a pris avec lui presque toute sa bibliothèque. Nous avons également refait à neuf la cuisine qui est en laiton et les sanitaires. Pour moi qui accumule beaucoup et ne sais rien jeter, le challenge était d’occuper l’espace avec minimalisme en jouant plus autour d’un meuble « central » que sur une association trop fournie. Dans le salon, il s’agissait de « construire » le cadre général autour du canapé et du bureau. La cuisine a été pensée à partir de la table que j’ai fabriquée pour Soma. Dans la chambre de mes garçons, je suis partie des tentures peintes pour Georges dont nous nous sommes servis en guise de couvre-lit. Dans ma chambre, c’est mon fauteuil Marni – que j’adore – qui a servi de point de départ.
TSF
Quels ont été vos derniers ajouts – dernières acquisitions – dans cette maison ?
Mylène
Les derniers ajouts étaient vraiment purement décoratifs. Par exemple, les épais tapis Aytm qui nous suivent partout et que l’on change de place très régulièrement. L’un d’entre eux fait maintenant office de tapis de douche XXL ! Nous avons également rajouté des pieds de lampes Vallauris (que je collectionne) et créé la cuisine où nous avons tout enlevé pour réaliser nous-mêmes le plan de travail et la crédence en une succession de longues feuilles de laiton. Nous y avons installé notre table Soma, dont le plateau laqué fait miroir avec le laiton et dont le pied en canne rappelle les notes rustiques de cette pièce, comme le sol en lauze, par exemple.
TSF
Quelle ambiance souhaitiez-vous y instaurer ?
Mylène
Je me bats contre ma manie de tout accumuler. Alors j’ai pris le parti inverse, celui de créer un lieu apaisant pour l’œil, avec de belles pièces brutes et toutes soit chinées soit fabriquées par mes soins, sans trop d’ajouts. L’idée étant de sublimer les objets, le travail effectué derrière chacun et de profiter des grands volumes de la maison.
TSF
On peut y découvrir certaines de vos créations pour Soma. Parlez-nous de ce projet, complément de l’univers et des modèles phares de votre marque Georges Studio.
Mylène
Voilà 10 ans que j’ai créé Georges. Dix ans de créations autour de coups de foudre pour des textures, des couleurs. Dix ans de prototypage et de rencontres avec des artisans d’ici et un sourcing de matières de plus en plus locales. J’ai découvert des manières de faire incroyables, des cultures de matières premières à portée de main, des initiatives sur notre territoire à côté desquelles je ne pouvais pas passer. Soma est le fruit de ces recherches – de ces trouvailles, plutôt. Comme un hommage à notre terroir et à notre terre. Car souvent on s’émerveille, lors d’un voyage au bout du monde, des mains en or de certains artisans. Soma, c’est le contraire de cette démarche. J’ai poussé la porte de mes voisins. Bergers, tisserands, fabricants de planches de surf biosourcées et biodégradables, vanniers, chaudronniers, ébénistes… et trouvé les mêmes savoir-faire précieux, la même beauté dans le geste, le même travail des fibres. J’ai donc pris le temps de construire une collection complète aux pièces développées pendant des mois, numérotées et signées. Soma prolonge les objets créés pour Georges. Chaque année, nous proposerons notre vision d’une pièce de la maison : en 2020, la salle à manger autour d’une table glossy et un assortiment de matières nobles et précieuses. En 2021, le salon. L’idée étant d’avoir une collection la plus complète et aboutie possible, pensée de bout en bout, du petit objet au meuble central.
TSF
D’où vous vient cet amour de l’artisanat et plus globalement des matières ?
Mylène
J’ai grandi dedans, tout simplement ! Et il me semble qu’à chaque génération, des deux côtés de ma famille, tout le monde a créé. Un de mes arrière-grands-pères dessinait des tenues de femme dans de petits carnets alors qu’il était au front pendant la guerre. Il savait rempailler les chaises et pratiquait la vannerie. Un de mes autres arrière-grands-pères était bottier, il fabriquait les chaussures des chanteuses de cabaret de l’époque, comme Mistinguett. Toute une partie de ma famille est dans la bijouterie. Ma grand-mère était tapissière d’ameublement. Et pour finir, j’ai grandi avec des parents qui savaient refaire une maison de A à Z, de la charpente à la maçonnerie, de la plomberie à la pose de parquet… Avec plus d’une dizaine de déménagements pendant mon enfance, j’ai appris à reconnaître les belles matières et à fabriquer des choses.
TSF
Quelles inspirations viennent nourrir votre travail, votre goût ?
Mylène
J’ai grandi dans le Sud-Est, à Hyères, au pied de cet ovni que représentait alors la Villa Noailles. Cette bâtisse était fascinante. Mais je crois que mes inspirations viennent également de la bougeotte et de la soif de découverte de mes parents. Au-delà de la présence indispensable pour nous de la mer, des criques de Giens et de l’odeur de la garrigue, il n’y a pas eu un week-end où nous restions à la maison. La Camargue, Marseille, le Haut-Var et les bastides de la Sainte-Baume, Vallauris, l’Italie et la Ligurie… Tout me paraissait magique. J’étais folle d’architecture, de tomettes, de façades peintes à la chaux, de couleurs chaudes et terreuses mais aussi de cette lumière crue et vive propre au Sud. Puis mon père m’a amenée voir un potier avec lequel il a par la suite longtemps travaillé. Je devais avoir 8 ou 9 ans. Et j’ai été conquise par l’objet, par la main qui le façonne, à la fois lente et radicale, l’odeur de l’argile et cet atelier si incroyable. C’est ce que je porte encore, je pense.
TSF
Quel rôle votre région joue-t-elle dans votre travail et dans votre vie ?
Mylène
Notre région est tout à fait authentique, nos campagnes et nos montagnes ne sont pas encore trop touchées par le tourisme et donc très sereines. C’est très agréable car on s’y sent très libre et lorsque l’on randonne, que l’on part à la découverte de nouveaux chemins, de nouvelles forêts, mes enfants et moi, nous avons l’impression que le monde nous appartient, que mille choses sont possibles. Les plages y sont immenses, nous avons nos coins de montagne à nous, c’est vraiment très agréable. Ceci est contrebalancé avec des allées et venues en ville, sur la côte basque, à Bordeaux, Toulouse, San Sebastian et quelques voyages un peu partout. Je crois que nous avons trouvé l’équilibre idéal entre une tranquillité quotidienne et une effervescence urbaine dont j’ai un besoin absolu. Pour créer, ce calme, l’absence de sollicitations extérieures, cette solitude non subie me conviennent parfaitement et favorisent une focalisation très intéressante. Beaucoup de musique et une grande table me suffisent. Et même si l’appel de la ville se fait sentir régulièrement, c’est ici que tout est né pour moi. Mes enfants, principalement. Mais également Georges, Soma. Et mon équipe. Ce sont mes racines !
TSF
Pour la découvrir, quelles seraient vos recommandations ?
Mylène
Les gorges de Kakuetta, les randonnées à partir d’Iraty, le plateau du Bénou et les lacs d’Ayous sont des lieux à vraiment voir et très simples d’accès pour les enfants ! Navarrenx, qui est un village dédié aux pèlerins, est également très atypique avec un accès à la rivière et un coin de baignade. À Sauveterre-de-Béarn, Sally a ouvert un salon de thé dans sa maison en bord du gave d’Oloron et propose ses spécialités anglaises faites maison (les cheese-cakes sont à tomber). Le tout dans son jardin, à l’ombre d’un grand saule pleureur. Enfin, il faut absolument aussi faire un tour à Pau, pour son marché fermier du samedi matin et son Emmaüs, qui est tout simplement immense !
TSF
Où vous retrouverons-nous personnellement et professionnellement dans les mois à venir ?
Mylène
Nous serons en avril, pour la Design week, à Milan, où nous présenterons la seconde collection de Soma. Enfin, à Méritein, où notre but est d’accueillir et de faire vivre notre nouveau lieu !
Je me bats contre ma manie de tout accumuler. Alors j’ai pris le parti inverse, celui de créer un lieu apaisant pour l’œil, avec de belles pièces brutes (...)