Inspiration
Fulgurances, épopée culinaire
Déjà une décennie de projets culinaires soufflée pour les restaurants Fulgurances au concept bien huilé. Celui de la résidence de chefs qui a su séduire au fil de l’eau tous les bons vivants dans l’âme par son avant-gardisme et sa créativité, à commencer par The Socialite Family. Une épopée savoureuse qui s’est écrite avec la rencontre de trois gourmands, Rebecca Asthalter, Hugo Hivernat et Sophie Cornibert. Trois amoureux des bonnes choses qui se sont reconnus dans leur vision d’appréhender la cuisine et la gastronomie comme « une fête » et nous accueillent aujourd’hui là où tout a commencé : leur première ouverture en 2015, Fulgurances L’Adresse_._ En souhaitant porter en étendard le « bien manger en un art de vivre », le trio a ici concrétisé le projet d’une expérience gustative basée sur la nouveauté et la prise de risque de leurs seconds, venus des quatre coins du globe pour faire leurs preuves. Un goût de l’inédit et de la surprise où le sens du détail prime, au-delà même de l’assiette. « Les couverts, le dressage sur la table, la lumière, les meubles », chaque élément présent dans leur maison mère incarne cet ADN « à la simplicité réfléchie qui cultive le goût de l’intemporel ». Le tout dans une enveloppe chaleureuse qui donne envie de poursuivre indéfiniment le repas. C’est accompagné de la jeune architecte Louise Vergnaud que ce premier établissement impose le style architectural du label gastronome, attaché au bois. Un frêne chaleureux comme une ligne directrice qui s’étend dans toutes leurs autres ouvertures parisiennes comme dans la toute dernière, new-yorkaise ! De quoi créer un cadre convivial et confidentiel où « le design ne prend pas trop de place » pour permettre aux talents de s’exprimer, chacun à son tour, tous les six mois. Autant de manières de cuisiner – impulsées par leurs cultures respectives – qui ont inspiré le trio d’hyperactifs pour développer leurs activités parallèles : « magazines, événements, production de contenus, conseils » et poursuivre leurs aventures culinaires au-delà de ces murs.
Fulgurances L’Adresse, 10 rue Alexandre Dumas, 75011 Paris. Ouverture du lundi au mercredi de 19h à 21h45 puis de 12h à 13h45 et de 19h15 à 21h45. Réservation par téléphone au 01.43.48.14.59 ou sur www.fulgurances.com
texte
Juliette Bruneau
Photographies et Vidéos
Valerio Geraci
TSF
Sophie, Rebecca et Hugo, pouvez-vous vous présenter ?
Sophie
Après des études de cinéma et une expérience de trois années au sein du groupe Omnivore, j’ai très vite eu envie de raconter celles et ceux qui font la cuisine contemporaine. C’est ainsi qu’est né Fulgurances. Ma rencontre avec Hugo Hivernat m’a conduite vers l’événementiel et les dîners fondateurs de Les seconds sont les premiers. Aujourd’hui, je me considère plutôt comme médiatrice ou facilitatrice pour les futur·e·s grand·e·s cuisinier·ère·s que j’aime plus que tout accompagner. Je suis aussi la voix de Fulgurances sur tous les supports de communication et les réseaux sociaux, et l’interlocutrice des journalistes. Et maman d’un petit Melvil de 3 ans que j’ai à cœur d’initier au goût.
Hugo
Après avoir pas mal bourlingué pour le secteur de la musique, je suis tombé presque par hasard sur la cuisine d’avant-garde. C’est moi qui ai emmené Fulgurances vers l’événementiel et l’ouverture sur le monde. Je suis un insatiable, qui a besoin de faire, de créer, de pousser les limites, les miennes et celles des autres. On peut me voir comme le fonceur du trio, toujours stimulé par la création de nouveaux établissements comme l’ouverture de Laundromat à New York. C’est également moi qui gère le porte-monnaie de Fulgurances et qui pousse mes acolytes vers une vision à plus long terme. Le vin a pris une place forte dans les établissements Fulgurances à travers mon amour du vignoble.
Rebecca
Après sept ans de frénésie outre-Atlantique au service des meilleurs chefs à New York, Paris me manque. C’est à cette période que je reviens dans la capitale française et que je fais la rencontre du projet Fulgurances en 2014_._ J’initie par la suite le premier restaurant de chef·fe·s en résidence, Fulgurances L’Adresse. Bilingue, je traduis tous les textes de Fulgurances et suis l’interlocutrice de tous·tes les chef·fe·s étranger·ère·s. Je gère également toute la partie ressources humaines et administrative de L’Adresse, j’accompagne les résident·e·s et les conseille pour qu’ils s’affirment en leur nom. J’y ai rencontré mon mari, qui est chef cuisinier, lors d’un anniversaire de Fulgurances – la trentième édition de Les seconds sont les premiers, en 2014.
TSF
Quelle a été votre éducation au bon et au beau ?
Rebecca, Sophie & Hugo
Pour nous, la cuisine et la gastronomie sont une histoire de famille. Nous avons eu la chance dès notre enfance d’aller au restaurant et nous avons en commun d’avoir particulièrement aimé ce moment, cette « fête » même. Très vite, pour nous, bien manger est devenu un art de vivre. Au restaurant, nous apprécions la cuisine, ce que nous avons dans l’assiette, mais pas seulement ; il y a la sortie au restaurant, ce rituel avec la découverte du menu, de la nouveauté, de la diversité, et l’éveil que cela procure. Le restaurant est une porte d’entrée vers tout un écosystème du beau et du bon. D’ailleurs chez Fulgurances, tout a une histoire particulière, chaque détail compte et a été pensé : la vaisselle, les couverts, le dressage sur la table, la lumière, les meubles – bois ; notre univers à la simplicité réfléchie cultive leur goût de l’intemporel. Si nous devions citer quelques mentors dans notre éducation au beau, nous répondrions spontanément : Helmo. En effet, c’est la rencontre avec l’équipe de graphistes du studio Helmo en 2014 qui a façonné l’esthétique de Fulgurances, en lui donnant cette identité graphique forte que l’on retrouve partout. L’auteur et journaliste Andrea Petrini – qui nous a suivis dès nos débuts dans cette aventure hybride – est également à compter parmi nos figures de référence. Tout comme le chef Alexandre Gauthier et son restaurant La Grenouillère, ou encore le groupe Septime qui est à nos yeux un véritable modèle.
Notre but était de concevoir un lieu intemporel, chaleureux, un lieu qui nous ressemble mais dont le design ne prend pas trop de place, pour laisser la part belle aux chef·fe·s résident·e·s.
TSF
Avec votre projet Fulgurances, vous avez décidé de miser sur un format de restauration novateur, la résidence de chef. Expliquez-nous ce concept disruptif dont vous êtes les instigateurs à Paris.
Rebecca, Sophie & Hugo
Le projet Fulgurances a fêté ses 10 ans en 2022, une décennie de collaborations majeures et audacieuses guidées par notre envie de mettre en lumière les cuisinier·ère·s de l’ombre. En les posant aujourd’hui comme des acteurs de référence pour la culture culinaire contemporaine. L’ADN Fulgurances, fait de relations fidèles et d’amitiés indéfectibles avec les chef·fe·s passé·e·s par ses fourneaux, donne aux résidences chez Fulgurances une saveur particulière, qui les différencie de tous les modèles que l’on retrouve aujourd’hui. Chez nous, le/la chef·fe est accueilli·e comme un·e artiste le serait à la Villa Médicis : il s’agit de créer par nécessité, et non par opportunité. Nous avons inventé et fait perdurer ce modèle car pour nous, c’est ce qu’il fallait alors, et qu’il faut encore à la cuisine. Pour prendre soin de la création, nous avons mis en place une structure derrière la résidence qui donne au/à la chef·fe invité·e toute la stabilité dont il/elle a besoin pour se concentrer sur son processus de création, pour prendre des risques, faire des erreurs. Cela fonctionne et ils peuvent toujours mesurer une évolution entre le début et la fin de la résidence. Magazines, événements, production de contenus, conseils… toutes les autres activités parallèles de Fulgurances témoignent de ces découvertes et se nourrissent entre elles. C’est ainsi aussi que nous dénichons les talents que nous accueillons par la suite. Et désormais, le « label » Fulgurances est connu et reconnu entre les chef·fe·s, les anciens résidents en parlent, les événements rayonnent. Aujourd’hui, ce sont les talents qui viennent à nous pour être accueillis en résidence.
TSF
En 2014, vous allez plus loin dans votre démarche en publiant la revue « Fulgurances Almanach » (Éditions Entorses). Pourquoi avoir imaginé ce projet éditorial annexe ?
Rebecca, Sophie & Hugo
Au départ, « Fulgurances » est un blog donc l’écriture fait partie de notre histoire. Depuis le début, nous avons tenu à chroniquer, à témoigner de toutes nos découvertes. L’éditorial a toujours nourri nos activités. Nous avons toujours voulu mettre les chef·fe·s en avant, connaître leur itinéraire de vie, nous adresser à eux, qu’ils se sentent écoutés. C’est ainsi que sont nées en 2014 nos revues Itinéraires d’une cuisine contemporaine, grâce à notre rencontre avec Helmo (nos graphistes qui ont construit petit à petit l’identité de Fulgurances). Nous avons réalisé quatre numéros, 40 longs portraits et autant de voyages incroyables. Depuis, nous avons imaginé l’Almanach, un nouveau format, plus libre, moins figé, plus dynamique aussi, qui correspond plus à l’air du temps et à qui nous sommes.
TSF
Nous nous trouvons aujourd’hui à L’Adresse, votre première ouverture, nichée dans le XIearrondissement parisien. Qu’est-ce qui vous a séduits dans la signature architecturale de Louise Vergnaud pour incarner ce lieu ? Quelle histoire vouliez-vous raconter ici ?
Rebecca, Sophie & Hugo
C’était le premier projet de Louise, nous étions heureux de donner sa chance à une débutante, cela nous semblait être un joyeux symbole parfaitement aligné avec notre projet. Elle a été très impliquée pour nous accompagner dans ce premier lieu, à nous – on se souvient qu’elle avait fait une maquette pour le premier rendez-vous. C’était merveilleux de pouvoir se projeter. Louise a façonné tous les plafonniers de sa main après un stage de martelage de métal. Au départ, le lieu n’avait pas particulièrement de charme. Elle a suivi toutes nos envies. Nous voulions qu’on s’entende parler (et le plafond est parfait pour ça), nous voulions aussi de la lumière (on a donc ouvert sur la rue), plus une cuisine ouverte (pour donner l’impression d’entrer en cuisine en entrant dans le restaurant, que ça donne un côté « laboratoire » avec un·e chef·fe accessible). Notre but était de concevoir un lieu intemporel, chaleureux, un lieu qui nous ressemble mais dont le design ne prend pas trop de place, pour laisser la part belle aux chef·fe·s résident·e·s. C’est le bois qui nous est apparu le plus chaleureux, notamment le frêne que l’on retrouve dans tous les lieux Fulgurances – de Paris à New York. Pour la petite histoire, lorsque nous avons trouvé le local du futur Laundromat, nous avons appris que l’ébéniste avec lequel nous avions travaillé rue Alexandre Dumas pour L’Adresse et en face venait de s’installer à New York ! Nous nous sommes donc attachés à répliquer cette atmosphère chaleureuse qui nous correspond bien. On a voulu un grand miroir dans le fond de la pièce, pour la lumière. Pour garder ce côté chaleureux, on a chiné des dizaines de bouts de miroirs pour en reconstituer un grand, sur mesure, à la taille du mur.
Nous avons eu la chance dès notre enfance d’aller au restaurant et nous avons en commun d’avoir particulièrement aimé ce moment, cette « fête » même.
TSF
Une pièce de notre collection à l’image de l’atmosphère recréée ici ?
Rebecca, Sophie & Hugo
La table Carlotta Alta évidemment ! Elle fait tout de suite écho à la grande tablée chaleureuse ; ses formes arrondies, son bois aux teintes chaudes. Elle s’accorderait à merveille ici avec nos chaises dépareillées.
TSF
Pour vous, The Socialite Family, c’est ?
Rebecca, Sophie & Hugo
Le bon goût, le grain de folie ; la réunion très intéressante de l’éditorial, de la photo et de l’objet. Nous adorons la mise en perspective par le récit et par le témoignage. Cela nous fait rêver à d’autres vies que la nôtre, entrer dans l’intimité de quelqu’un comme on le fait par la cuisine. C’est cette dimension culturelle qui nous séduit.
TSF
Où vous retrouverons-nous prochainement ?
Rebecca, Sophie & Hugo
À New York ! Venez au Laudromat et dans tous les restaurants ouverts par les chef·fe·s passé·e·s par nos cuisines.
