Familles
Un atelier d'artiste parisien baigné de lumière revu par une famille d'architectes
Chez
Marine de la Guerrande et Adrien Pineau, Gustave 17 ans et demi, Germain 15 ans, Arsène, 13 ans, Polly 5 ans et Iggy 1 an
Tout est parti, comme souvent désormais, de la pandémie de 2020 qui aura heurté de plein fouet nos modes de vie à tous. Après un confinement à huis clos dans leur ancien appartement parisien qu’ils occupaient depuis une petite décennie, Marine de la Guerrande et Adrien Pineau, tous deux architectes, flanqués de leurs trois enfants et de leur chien, ont décidé de changer radicalement de cap. Une question de santé mentale, admettent-ils en riant lorsque nous les rencontrons chez eux, dans le grand atelier baigné de lumière qu'ils occupent désormais au coeur d’un quartier animé du centre de Paris. Où l’on a parlé de décor et de vie quotidienne, en l'occurrence remplie d’adolescents et d’animaux.
Lieu
Paris
texte
Elsa Cau
Photographies et Vidéos
Constance Gennari, Maeva Dayras
TSF
Marine, Adrien, quel est votre parcours ?
Marine
Nous sommes tous les deux architectes DPLG, formés et diplômés de l'École d'Architecture de Nantes. Nous avons commencé notre carrière professionnelle à Tokyo dans des agences japonaises.
Adrien
Oui, moi, à l'atelier Bow Wow et Marine chez Shigeru Ban Studio. Après quoi, on est rentrés en France. On a travaillé un peu à Nantes avant de déménager pour Paris. On a monté notre agence il y a une quinzaine d'années.
TSF
Dans quel environnement avez-vous grandi et comment a-t-il influencé vos goûts ?
Marine
J’ai grandi au bord de la mer à la Baule, dans une vieille maison de type anglo-normande, l'archétype de la Villa balnéaire, au milieu d'un environnement plutôt classique, des jolies pièces, des meubles anciens, de famille. Mais des goûts vraiment classiques : je dirais que mon goût personnel s'est plutôt façonné à contrario du goût dans lequel j'ai évolué.
Adrien
Moi, j'ai grandi à la campagne dans une maison qui était une ancienne gare de chemins de fer de la fin XIXᵉ siècle et qui a été à agrandie, avec une extension moderne. Mon goût s'est plutôt forgé à l'adolescence, avec les beaux-arts et quand j'ai découvert l'art contemporain.
Marine
Et puis évidemment, nos études d'architecture, nos voyages et notre goût pour l’art contemporain ont beaucoup fait. Pour ma part, j’ai suivi une année d'études Erasmus en Finlande avant notre voyage à Tokyo. Tout cela a continué d'enrichir nos goûts pour des pièces un peu particulières, généralement XXᵉ siècle et plutôt patinées par le temps.
TSF
Racontez-nous l’histoire de ce lieu.
Marine
Ce lieu, nous l'avons trouvé par bouche à oreille dans notre quartier, puisque nous habitions déjà ici. On a passé le premier confinement (pendant la pandémie COVID-19, NDLR) dans notre ancien appartement parisien qui était plus petit, dans lequel on vivait depuis dix ans. C'est vrai que ces quelques semaines enfermées à la maison avec les enfants et les animaux…ç’a été un peu le coup de grâce. Bref, il nous fallait déménager. Il en allait de la santé émotionnelle, sentimentale, psychique d'à peu près tous les membres de la famille, et surtout le mien (rires).
Adrien
Ce qui nous a beaucoup plu ici, ce sont surtout les grandes baies vitrées qui remplissent les lieux de clarté. Par ailleurs, c'est hyper tranquille et ça donne sur des espaces verts qui sont très agréables dans ce quartier qui demeure vraiment animé.
Marine
C'est aussi un appartement qui offre de grands volumes, donc une sensation d'espace qui est hyper agréable et in fine, pour une surface au sol qui est plus petite qu’il n’y paraît. En fait, c'est un appartement qui est bien fait : pas de perte de place, les circulations sont vraiment très concentrées, chaque enfant a sa chambre, ce qui, pour nous, est quand même extrêmement confortable. Et puis, quand vous arrivez dans la cour de l'immeuble, vous découvrez ce bâtiment en fond de cour avec son petit fronton, la grosse cloche. La cour est très paysagée et il y a un côté vraiment charmant, presque exotique. Parfois, nos invités évoquent l'Espagne ou le Portugal. Ça les fait voyager.
TSF
Qu’avez-vous voulu créer comme ambiance, ici ?
Marine
En termes d'ambiance ou de style, je dirais que rien n'est prédéfini à la base. Toutes les pièces, le mobilier que vous pouvez voir Ici, c'est une histoire de rencontre, des coups de cœur qui racontent des moments de notre vie, mais il n'y a pas un plan ultra défini au départ pour donner un style scandinave, industriel ou Louis XVI ! C'est vraiment une déco qui parle de nous.
Ici, il n'y a pas un plan ultra défini au départ pour donner un style scandinave, industriel ou Louis XVI ! C'est vraiment une déco qui parle de nous.
TSF
Chinez-vous souvent ?
Marine
Effectivement, ça nous arrive de chiner, notamment sur leboncoin. Deux pièces me viennent en tête : La première, c'est notre bar des années 1950. Et la seconde, c'est une petite table de chevet. On a une paire de pièces identiques, mais elles proviennent toutes les deux de moments complètement différents. La première avait été achetée lors d'une brocante à Paris, boulevard Voltaire. Et puis, un jour on a trouvé sa jumelle sur leboncoin.
TSF
Parlez-nous d’une œuvre, d’un objet ou plusieurs que vous aimez particulièrement ici.
Adrien
J'aime beaucoup la petite commode du grand designer hollandais des années 1960 Cees Braakman pour Pastoe. Elle est très bien dessinée, architecturée. Le pied, c'est presque un élément de charpente. Et puis, le lampade Air Mantis qui est placé juste à côté, de Bernard Schottlander et qui est édité par DCWE.
Marine
Pour ma part j’ai un faible pour l'enfilade grand buffet et la table, deux pièces qui ont été dessinées par Nils Johnson pour le fabricant Troeds. C'est suédois, typique des années 1960. Et puis, notre ensemble USM jaune, qui pour le coup, est complètement intemporel ! On est dans vraiment le mobilier industriel, ultra fonctionnel, extrêmement pérenne aussi. Ça pèse un âne mort. En plus, si je ne suis pas fan de la couleur habituellement, ces pièces USM, elles supportent le jaune tournesol, le vert gazon comme peu de meubles peuvent le soutenir. Ensuite, c'est surtout les œuvres d'art qui me tiennent particulièrement à cœur, notamment une photo de Lucille Boiron que vous ne pouvez pas voir parce que je l'ai prêtée pour une exposition ! j'aime aussi particulièrement une petite sculpture de Linda Sanchez, qui est une pièce abstraite et minérale : elle s’appelle carottage (du nom d’un forage d’exploration visant à prélever un échantillonnage du sous-sol terrestre ou marin, NDLR). L’œuvre est un rappel pour nous de ce que l’on rencontre sur nos chantiers ! C'est aussi une pièce très architecturale, à mon avis. On a aussi pas mal de nouvelles pièces à accrocher : une photo de Mustafa Azeroual que j'ai offert à Adrien, une lithographie de Claire tabouret.
TSF
Quelle est votre routine avec vos animaux ?
Marine
Notre chienne Polly-Jean dite Polly, notre chienne Münsterländer, a cinq ans et demi. La famille s'est agrandie il y a un an et demi avec l'arrivée d’Iggy, notre petit chat de gouttière noir. Ils portent tous les deux des noms de musiciens, une référence à quand j'ai rencontré Adrien, qui hésitait encore entre une carrière dans la musique et une dans l'architecture. Iggy est un chat qui a été élevé par un chien : il attend impatiemment que quelqu’un rentre de sa journée à la maison. Polly a plus de chance puisqu’elle est la mascotte de l’agence et nous suit au bureau, chez les clients, au café.
TSF
Comment vous êtes-vous rencontrés, votre chien, votre chat et vous ?
Adrien
Les animaux m'ont été imposés, je ne voulais surtout pas en avoir à Paris. On me l'a offert Polly à l’occasion de la fête des Pères. Le piège. Forcément, une fois qu’on le voit, impossible de le renvoyer… Et le chat…
Marine
Tu l'as eu pour ton anniversaire (rires). Les garçons et moi, nous voulions absolument des animaux à la maison et le seul moyen d'arriver à nos fins, c'était bien de mettre Adrien devant le fait accompli.
TSF
Avez-vous le souvenir d’avoir travaillé à un chantier dans lequel les besoins des animaux domestiques ont été pris en compte ?
Marine
Ça nous est arrivé une fois dans un chantier où il a fallu trouver une place intelligente pour la litière du chat. Mais la place, c’est toujours un enjeu dans les appartements parisiens ! On a intégré le bac à litière dans un placard sur mesure, entre la salle de bains et le sas d’entrée, avec une porte pivotante, pensée comme une sorte de chatière. Il fallait que ce soit discret, à la fois visuellement et olfactivement, et en même temps que ça puisse être facilement accessible pour des raisons évidentes d'hygiène !
TSF
Quelles sont vos actualités du moment ?
Adrien
On a livré un projet de bureaux baptisé îlot Lafayette, au croisement de la rue La Fayette de la rue du Faubourg Saint-Martin à Paris. Pour cela, nous avons été lauréats équerre d’argent 2024 et reçu un prix d’architecture. Et là, on vient de livrer le Grand Marché central de Kinshasa, qui est un projet de 80 000 mètres carrés tout en béton et en briques de terre cuite, qui fonctionne entièrement en ventilation naturelle et qui vient d'être sélectionné à la fois pour le grand prix de l’Afex 2025 (les architectes français à l’export), et pour l’exposition du pavillon français à l’occasion de la Biennale d’architecture de Venise 2025. Un autre de nos projets récemment livrés est un centre sportif dans le 12ᵉ arrondissement de Paris qui a été couronné d'un prix AMO pour la typologie la plus créative et qui a également reçu un trophée Eiffel pour la qualité de la mise en valeur de la construction acier. En effet, c'est une réhabilitation d'une halle du XIXᵉ siècle qu'on a transformée en pôle de sport de combat et qui fonctionne tout en ventilation naturelle, lumière naturelle, avec vraiment une démarche de conception bioclimatique et passive pour minimiser son impact environnemental.
TSF
Quelles pièces préférez-vous de The Socialite Family ?
Adrien
Moi, j'aime beaucoup la chaise .
Je trouve qu'elle est vraiment très bien dessinée avec son assise circulaire et sa structure en bois massif. C'est une chaise qui est vraiment élégante – et fonctionnelle, puisqu’elle s’empile. Bravo !
TSF
Quelles sont vos bonnes adresses du quartier ?
Marine
Il y en a plein, parce qu'on a la chance d'habiter un quartier à la fois populaire, animé, varié, et trendy. !
Adrien
Moi, j'aime beaucoup la boutique Japan Best (rue Notre-Dame de Nazareth). On trouve beaucoup de petits objets fabriqués au Japon, la sélection change assez souvent.
Marine
Dans la série asiatique, je pense à l’épicerie Maison Huang (rue de l’Echiquier). Je cuisine beaucoup japonais, thaïlandais et un peu chinois. J'y trouve absolument toutes les matières premières dont j'ai besoin. Et puis, en restauration asiatique dans le quartier, on a un petit faible pour l’Orient d’Or (rue Richer) qui est, paraît-il, l'un des meilleurs restaurants chinois de Paris. Je vous le conseille vraiment, ça ne paye pas de mine, ils sont hyper gentils et on y mange vraiment très bien.
Adrien
Pour le sucre, c’est Sébastien Gaudard (rue du Faubourg-Poissonnière), les meilleurs gâteaux du quartier !
Marine
Sinon, j'aime beaucoup aller à la Galerie Miranda (rue du Château d'Eau), qui est une galerie de photos où on est reçu par Miranda, qui a toujours la gentillesse de prendre le temps d'expliquer, de vous offrir un verre. Et puis, pour les disques, les vinyles, on va se fournir pas mal chez Ground Zero, (rue du Faubourg-Poissonnières), où vous pouvez demander aussi conseil à Alban sans aucun problème.