Chez
Inès Longevial, à fleur de peau
En apparence pleines de légèreté, les peintures d’Inès Longevial sont une plongée dans un univers subtil, intensément coloré et parfois provocant. Dans un mélange de lignes et de formes floues, Inès assemble sur ses toiles des visages aux regards incisifs et des courbes de corps, explorant l’humain avec beaucoup de poésie. Pas de contours ni d’ombrages dans ces créations où les couleurs délicatement entremêlées provoquent en nous la sensation d’assister à un instant suspendu, nous donnant au passage envie d’observer à nouveau ces créatures qui nous dévisagent. Inès pose ses visions colorées sur n’importe quel support avec partout cette même énergie qui s’en dégage. Une série de croquis de tatouages éphémères, un foulard avec Amélie Pichard, des réalisations avec Nike, Fred Perry et bien d’autres… Son travail interpelle, et outre son activité de peintre, elle est aussi illustratrice et enchaîne les collaborations, qu’elle choisit avec beaucoup de soin. Une artiste rafraîchissante à découvrir absolument.
Lieu
Paris
texte
Eve Campestrini
Photographies et Vidéos
Eve Campestrini
TSF
Inès, qu’est-ce qui vous a menée à la peinture ?
Inès
Cela remonte à l’enfance. J’ai le souvenir d’avoir toujours peint. Je dessinais tout le temps et j’adorais ça. Ma mère, qui peignait aussi, m’a beaucoup encouragée dans ce sens, elle m’emmenait voir des expositions. Hormis une petite période où j’hésitais entre cosmonaute et styliste, j’ai toujours voulu faire ça. J’ai fait des études de graphisme et d’arts appliqués et je m’en suis toujours sortie en travaillant dans l’illustration, peinte, bien sûr.
TSF
Pouvez-vous nous raconter votre arrivée à Paris ?
Inès
Cela fait deux ans maintenant et c’est vrai que les choses se sont enchaînées assez rapidement. Un ami illustrateur m’a présenté l’équipe d’un nouveau bar à Pigalle, L’Isolé. Nous faisions une affiche pour chaque mois, ainsi que des invitations. Je proposais une peinture différente à chaque fois, sur le thème de l’amour et de la sensualité. Cela a été un déclic et, de fil en aiguille, j’ai eu de plus en plus de commandes et de propositions de collaboration.
TSF
Comment choisissez-vous ces collaborations ?
Inès
C’est dur de faire des choix car j’aimerais ne faire que de la peinture. En ce moment, c’est passionnant car il se passe beaucoup de choses, j’ai plein de propositions, mais je me rends compte, peut-être pour la première fois, des choix que je dois faire. Je fais très attention pour être sûre qu’à l’avenir, je me dirige vers ce dont j’ai envie et que je ne me laisse pas entraîner vers quelque chose que je n’ai pas vraiment désiré. Ce truc de faire de soi-même un produit, une marque, cette « autopromotion » qui permet de travailler, peut aussi avoir un côté pervers. J’essaie de ne choisir que des marques ou des gens qui me plaisent, en fonctionnant plutôt au coup de cœur, car donner son image et du crédit à ces noms a de l’importance. J’ai jusqu’ici fait de super collaborations.
Je trouve qu’il est difficile, et pas toujours agréable, de se définir soi-même. Mais je dois dire qu’il y a sûrement quelque chose de romantique dans ma peinture.
TSF
Pouvez-vous nous parler de votre style et de votre manière de travailler ?
Inès
Je trouve qu’il est difficile, et pas toujours agréable, de se définir soi-même. Mais je dois dire qu’il y a sûrement quelque chose de romantique dans ma peinture. Je peins à l’huile et j’utilise beaucoup d’aplats de couleur. Avec une grosse dominante de rouge et de rose, en ce moment en tout cas, car j’ai beaucoup travaillé les peaux et ses nuances. Je peins vraiment beaucoup d’humains, de nus et de fleurs. Je réalise d’abord des croquis pour trouver les bons traits et l’expression qui me plaisent. J’aime les longues périodes de peinture, où je m’isole pendant plusieurs jours sans voir personne. Je fonctionne plutôt comme ça, une alternance entre des périodes intenses de travail et des moments de relâche. Pour l’instant, je travaille chez moi à Paris ou je vais chez mes parents au pays basque.
TSF
Qu’est-ce qui vous influence ?
Inès
En peinture, ce sont des choses assez classiques, qui me rappellent mon enfance : Rodin, Camille Claudel, Picasso. Les bases, quoi. Et puis n’importe quel courant artistique. Je picore plutôt chez des peintres. Le cinéma est une source inépuisable d’idées aussi. Si je ne devais en citer qu’un, je dirais Almodóvar et ses couleurs qui me fascinent. Une phrase de Frida Kahlo m’inspire beaucoup : celle où elle évoque son sujet, disant que celui qu’elle connaît le plus, c’est elle-même et que, par conséquent, c’est elle qui devient un sujet/support. C’est un peu pareil pour moi. La peinture, c’est comme un vecteur qui me permet d’extérioriser. Un lieu d’exutoire. Par exemple, d’une période où je peignais peu, avec plutôt l’envie de rester sous la couette, est venue cette série d’autoportraits. J’ai travaillé autour des couettes, des tissus, comme des nœuds à dénouer. Je pense que je mentalise énormément. J’ai l’impression que tout ce que l’on peut dire sur la peinture est très cliché. Il y a un côté pérenne, comme une trace que l’on laisse après son passage.
TSF
Un élément de décoration indispensable ?
Inès
Les fleurs ! Dans un intérieur, j’adore ça, et encore plus depuis que je suis à Paris. Après une enfance à la petite maison dans la prairie, je me suis rendu compte en arrivant ici à quel point cela faisait partie de moi. On se sent un peu étriqué à Paris, parfois.