Familles
En famille chez les fondateurs de Nomibis.
Chez
Fabienne Nominé et Pascal Bisson, Léonie 20, Jacques 16 ans
Chaque jour, notre œil scrute les photographies se succédant sur notre écran de téléphone. Du fond de sa rétine, il sait. Il sait qu’au milieu de ce flot visuel se distinguera une mise en scène estampillée Nomibis, l’aventure d’antiquités, d’excentricité et de décoration signée Fabienne Nominé et Pascal Bisson. Pour les amoureux du détail, la page Instagram du couple est un pèlerinage. Un haut lieu de réjouissances où des meubles patinés XVIIIᵉ côtoient des œuvres allant chatouiller les années 1980. Impossible de lister tous les trésors acquis par les Rémois. Aucun ne se ressemble… comme leurs journées depuis les vingt dernières années. Au cours de celles-ci, les kilomètres se sont additionnés. Les heures de quête aussi. Mais, aujourd’hui, tout les ramène ici. Dans ce décor qui peut sembler familier pour certains d’entre vous : leur maison. C’est dans ce salon que les canapés se succèdent, dans cet escalier que patiente sagement une huile sur toile signée André Billen, dans cette cour que l’on rempaille joyeusement des chaises ou que l’on se délecte d’une sieste sur un lit pliant à la structure métallique adoucie par un monticule de coussins. Chez les Nominé-Bisson, pas de clivage entre vie pro et vie perso. Enivrée par la portée de son univers si singulier, la famille a fait de l’in situ sa spécialité. Pas si surprenant quand, disent-ils : « Nous achetons ce que nous aimons… alors, si d’aventure, une pièce venait à ne pas trouver acquéreur, elle pourrait vivre à la maison.»
Lieu
Reims
texte
Caroline Balvay
Photographies et Vidéos
Valerio Geraci
TSF
Fabienne, Pascal, vous êtes à la tête de l’aventure Nomibis, une brocante en ligne au succès fou. Quelle est son histoire ? Et la vôtre ?
Fabienne & Pascal
L’histoire de Nomibis est intimement liée à la nôtre. Nous cheminons ensemble avec beaucoup de plaisir. Il y a une véritable interaction entre nos choix de vie et nos orientations professionnelles. C’est ce que permet le fait d’être passionnés par notre métier et, de surcroît, de partager cette aventure en couple et en famille. Il n’y a pas de clivage entre notre vie perso et notre vie pro. Et c’est ce qu’on aime. C’est un vrai luxe ! Nous avons davantage l’impression de nous adonner à une passion commune que de travailler. Cela fait maintenant vingt ans que nous sommes antiquaires. Ou brocanteurs, ou décorateurs, ou chineurs, ou scénographes, ou ensembliers… Peu importe la terminologie, notre métier comporte tellement de facettes que nous explorons à l’envi et selon nos envies. Nous avons longtemps eu des boutiques physiques, l’une au Marché Paul Bert Serpette et l’autre dans notre ville à Reims. Puis, nous avons créé notre site il y a 7 ans, guidés par un désir de travailler différemment, à la maison, avec une grande liberté. Simultanément, nous avons découvert Instagram, sans en percevoir l’immense potentiel. Et puis, il y a eu cet incroyable engouement de la part d’une communauté joyeuse et réactive. Aujourd’hui encore, nous restons émerveillés par cette fenêtre ouverte sur le monde entier, 24h/24, qui offre des échanges stimulants, une inspiration sans cesse renouvelée, une offre à la fois pléthorique et singulière. Que de rencontres formidables nous avons faites par ce biais !
TSF
Comment s’organise votre quotidien de brocanteurs ? Que préférez-vous dans celui-ci ?
Fabienne & Pascal
Nous n’avons pas de journée type et c’est un privilège immense. Notre quotidien est rythmé par la quête de beaux objets et par le désir de proposer des choses enthousiasmantes à nos clients. C’est, à mon sens, la facette la plus exaltante de notre métier, celle qui demeure riche de surprises et de rencontres, celle qui génère des émotions fortes. Alors rien ne limite cette quête, ni les heures ni les kilomètres. Les destinations sont variées, les paysages aussi, ainsi que les trouvailles. Et puis, il s’agit également de montrer le fruit de ces voyages ! Les objets sont donc mis en situation à la maison, pris en photo puis postés sur notre site et sur Instagram. S’ensuivent de nombreux échanges, de nombreuses questions de la part des gens qui aiment qu’on leur raconte l’histoire et la provenance de nos trouvailles. Et nous sommes ravis d’évoquer Louis XVI, de convoquer Charlotte Perriand ou d’expliquer une technique d’ébénisterie.
TSF
De quelle manière sélectionnez-vous les meubles, objets ou accessoires que vous vendez ? Qu’est-ce qui fait la différence entre un meuble et un autre ?
Pascal
Absolument tous nos achats sont guidés par notre goût et nos envies. C’est toujours une histoire de sensibilité, de sincérité et de fidélité à ce que nous sommes. Nous achetons ce que nous aimons. Cette harmonie nous est essentielle, nous avons besoin de cette cohérence. Alors, si d’aventure, une pièce venait à ne pas trouver acquéreur, elle pourrait vivre à la maison. En toute légitimité esthétique ! Bien sûr, nous sommes sensibles aux tendances mais nous aimons tellement de choses qu’il nous est impossible de nous freiner, de nous cantonner à un style ou de privilégier une époque. Les mélanges sont légion chez nous. Mais attention, il ne faut pas croire que tout puisse se marier avec tout. Il y a des styles, des couleurs, des matières qui, ensemble, jurent. Il est bon d’être téméraire mais il faut maîtriser les codes et avoir l’œil. C’est toute la problématique du goût.
TSF
Votre ou vos plus belles trouvailles depuis le début de votre activité ?
Fabienne
Je suis incapable de dire quelle fut ma plus belle trouvaille étant donné mon amour des objets. La plus belle trouvaille est très rapidement détrônée par la suivante. C’est sans fin et c’est tout le bonheur de cette aventure. Une chose est sûre, c’est que l’émotion offerte par la beauté des objets n’est pas en lien avec leur valeur marchande.
TSF
Quand avez-vous décelé l’extraordinaire potentiel de votre décoration dans la mise en avant de vos trouvailles ? Qu’est-ce que cela veut dire d’après vous ?
Fabienne & Pascal
Nous avons découvert le potentiel de notre univers par hasard quand j’ai commencé à m’amuser sur Instagram. Je n’avais pas envisagé le pouvoir et la portée des partages de photos. Dès les premiers posts, sur lesquels on entrevoyait notre intérieur, on nous a demandé s’il était possible de nous acheter des choses. Rapidement, nous avons perçu qu’Instagram pouvait répondre à notre désir de travailler différemment, en montrant nos sélections in situ. Cela dénote à quel point les gens ont envie de pouvoir s’identifier, de partager, de s’inspirer et d’être en confiance dans une relation qui rompt avec le cadre commercial d’une boutique et qui privilégie une intimité, une proximité. Nous montrons notre univers, des bribes de notre vie, nous échangeons, nous partageons. Les liens sont là, pour certains, depuis longtemps. Il y a une vraie fidélité. Il y a des affinités électives très fortes.
TSF
En conséquence, votre intérieur change-t-il souvent ?
Fabienne & Pascal
Notre univers change au gré des trouvailles, oui, mais le ton reste le même. Nos enfants et nos amis sont habitués au turnover des canapés dans notre salon ! Et parfois, il n’y en a pas du tout, alors on boit l’apéro sur des tabourets. En revanche, il y a certaines pièces que nous avons achetées pour la maison et qui ne sont jamais proposées à la vente, comme notre grande table de cuisine et son intransportable plateau de marbre. Et puis, il est vrai que ça nous plaît bien de changer de décor ! Nous aimons aussi savoir que nos choses poursuivent leur vie ailleurs, que ça ne s’arrête pas. Pas d’obsolescence programmée en termes d’antiquités, c’est tout le contraire.
TSF
À l’image de votre activité, définiriez-vous son style comme « broc » ? Qu’y retrouve-t-on ?
Fabienne
Chez nous, on trouve des choses très différentes, essentiellement des choses anciennes, du XVIIIᵉ siècle jusqu’aux années 1980. On observe aussi des souvenirs de voyages, des créations de copains artistes qu’on adore et quelques pièces contemporaines. Le point commun de tout cela, c’est que chaque objet a sa raison d’être à la maison. Chacun a été choisi. Nous sommes un peu dans l’accumulation mais nous ne savons pas faire autrement ! L’esthétique prime et une grande importance est portée aux détails. C’est tellement important, les détails. C’est le vrai et la quintessence de la décoration. Je suis un peu obsessionnelle avec eux, c’est sans doute un truc pathologique ! L’art de vivre est un tout. On cuisine, on s’habille, on fait l’amour comme on décore ! L’intérieur est tellement révélateur, alors je me méfie des intérieurs minimalistes ! (Rires) Je rigole, j’adore tout !
TSF
La pièce dont vous rêvez et que vous n’avez toujours pas trouvée ?
Fabienne
Notre obsession du moment est une pièce très facile à trouver puisqu’elle est rééditée. Il s’agit d’un vrai classique qui, justement, sied très bien aux choses plus anciennes. C’est une sculpture lumineuse Akari par Isamu Noguchi (le modèle BB3-33S). Un rêve de légèreté et d’élégance. Mais je précise que nous pouvons changer d’obsession la semaine prochaine…
TSF
Quelle est la « tendance » du moment pour vous ?
Fabienne
La tendance est au formatage et c’est bien dommage. Il y a tellement de choix, tellement de belles choses, tellement d’idées intéressantes et cela, autant chez les antiquaires que dans la création contemporaine. Contrairement à l’idée reçue, nous ne trouvons pas rassurant qu’un intérieur ressemble à celui de son voisin. Il en va de la déco comme de la mode, il faut digérer les codes pour pouvoir s’en affranchir. On sent poindre ces derniers temps un vent de liberté, timide mais présent, qui tend à remettre à l’honneur le panache, la singularité et la diversité. Tant mieux, c’est beaucoup plus amusant même si la décoration est une affaire ô combien sérieuse !
TSF
Vous aimez avant tout les belles choses, alors que nous conseillez-vous de faire absolument lors de notre prochain passage à Reims ?
Pascal
Si vous passez à Reims, entrez prendre un verre et déguster les produits sélectionnés par Aline et Éric dans leur épicerie fine – bar à vin et à manger. L’endroit s’appelle Au Bon Manger et nous avons refait ce lieu l’année dernière. Les grandes tables accueillent les bons vivants, les rires fusent et les vins naturels sont exceptionnels !