Familles
Dans le quartier de Kreuzberg, une ancienne colocation berlinoise métamorphosée en un cabinet de curiosités multicolore
Chez
Mike Klar et Kevin Kurz
Il ferait aimer à coup sûr la couleur jusqu’aux plus frileux d’entre nous. En décoration, comme sur les peintures qu’il signe, Mike Klar n’est pas avare lorsqu’il s’agit de faire appel à son nuancier. Une palette de teintes – froides comme chaudes – aussi riche que celle que nous avons imaginée en collaboration avec Mériguet-Carrère Paris et avec lesquelles le créatif et son compagnon, Kevin Kurz, jouent, faisant de leur appartement de Kreuzberg une véritable expérience visuelle où l’immersion est de mise. « Roux, aubergine, lilas » : des murs jusqu’aux plafonds, chaque nuance révèle ici « son aura » tout en soulignant avec contraste une sélection de pièces design aux provenances multiples. « Il peut s’agir d’une pièce accessible acquise au marché aux puces comme d’une lampe de créateur de grande valeur provenant d’un magasin », nous confie l’artiste berlinois pluridisciplinaire. Rien d’étonnant donc à y retrouver aux côtés d’incontournables du mouvement Memphis, collectionnés pour leur humour, des trouvailles vintage d’un tout autre registre. À l’instar de ces chaises aux finitions textiles vertes, fabriquées en ex-RDA, ou bien ce vase futuriste ultra-contemporain en résine imaginé par le studio italien Corsi Design. Autant de créations au style anachronique, qui donnent à cette ancienne colocation à l’architecture Altbau des airs de cabinet de curiosités. Scrutant le moindre détail excentrique, le moindre clin d’œil design amusé, le lieu nous incite, pièce après pièce, à cultiver chez soi plus d’originalité. Pourvu que la couleur s’y exprime !
Lieu
Berlin
texte
Juliette Bruneau
Photographies et Vidéos
Valerio Geraci
TSF
Mike, pouvez-vous vous présenter ?
Mike
J’ai fait des études de design et d’illustration à l’université Bauhaus de Weimar et je suis également titulaire d’un master en art-thérapie psychodynamique. J’ai travaillé pendant de nombreuses années dans un hôpital psychiatrique. Mais depuis 2021, je me consacre à mon propre art, à l’illustration et à la décoration d’intérieur. Kevin, mon compagnon, a étudié l’architecture paysagère, puis a travaillé dans un cabaret burlesque. Il est aujourd’hui jardinier en chef dans une ferme biologique de la région de Spreewald, au sud de Berlin.
TSF
Parlez-nous de votre enfance. Dans quel environnement avez-vous grandi et comment cela a-t-il influencé votre idée de la beauté ?
Mike
Ce qui est amusant, c’est que Kevin et moi sommes originaires de la même région, la Hesse, mais que nous nous sommes rencontrés à Berlin. Dans le milieu où j’ai grandi, on n’appréciait pas beaucoup l’art ou le design. Mais, depuis tout petit, j’ai un œil pour cela et mes parents m’ont toujours soutenu dans ma démarche. Après l’école secondaire, j’ai donc obtenu un diplôme technique spécial en design, puis je suis allé à l’université. Dès lors, j’ai été influencé par le design du Bauhaus. Weimar est un lieu tellement historique qu’il est impossible de s’en éloigner. Plus tard, j’ai découvert le groupe Memphis et le design d’intérieur italien, qui ont une influence considérable sur la façon dont nous créons des espaces. Kevin serait plutôt le collectionneur dans notre relation, et je serais peut-être davantage le conservateur. J’ai toujours été inspiré par les maisons d’artistes en général.
TSF
Nous sommes ici dans votre appartement de Berlin. Comment avez-vous planifié sa conception ?
Mike
Le chemin a été long. J’ai emménagé dans l’appartement en 2011. Il s’agissait alors d’une colocation berlinoise typique avec trois étudiants. Le lieu n’était pas en très bon état, mais j’ai toujours aimé son agencement. En 2016, Kevin m’a rejoint. Il s’est installé ici et, depuis, nous ne cessons de l’améliorer, dès que nous en avons le temps ou l’énergie. Nous sommes au dernier étage, nous devons donc monter beaucoup de marches et nous n’avons pas de plafond de 3,80 m, ni de balcon… Néanmoins, nous avons toujours du soleil dans l’appartement. Il n’y a pas de bruit à l’étage et, en raison du mauvais état des espaces et de la rénovation qu’ils ont nécessitée, nous avons pu pratiquement faire ce que nous voulions. Nous avons notamment enlevé tous les raufasertapete typiques de la région (papiers peints à base de copeaux de bois), mais aussi plâtré un grand nombre de murs et de plafonds. À cela, s’ajoutent la peinture de l’ensemble de l’appartement et le changement du sol de la cuisine. C’était et c’est un vrai chantier que nous continuons de mener pas à pas.
TSF
En quelques mots, comment définiriez-vous votre style ?
Mike
Notre style est peut-être un mélange d’éclectisme, d’art et de couleurs, mais avec un soupçon de pièces de créateurs classiques. Nous essayons de créer une atmosphère différente dans chaque espace. Cela donne à chaque pièce une ambiance particulière et correspond à sa fonction. Nous choisissons les couleurs après avoir réalisé des planches d’ambiance et nous réfléchissons à des concepts de design tels que les couleurs complémentaires, les nuances d’une gamme similaire et les teintes en tant qu’affirmation, ou simplement en tant que fond agréable qui fait ressortir les objets. Lorsque nous avons commencé à collectionner des meubles anciens, nous étions attirés par le design du milieu du siècle, que l’on retrouve encore dans les grands buffets, mais nous nous sommes ensuite tournés vers le design des années 1980 et le design contemporain. Je dirais que nous mélangeons et assortissons sans suivre de règles. Il peut s’agir d’une pièce pas chère acquise au marché aux puces ou d’une lampe de créateur de grande valeur provenant d’un magasin. C’est un peu comme peindre une œuvre sur une toile, mais dans une pièce à vivre !
TSF
Beaucoup de créations Memphis investissent les espaces. Qu’appréciez-vous particulièrement dans ce courant design des années 1980 ?
Mike
Ce que nous aimons le plus, c’est l’aspect ludique et l’humour de l’ère Memphis ; le fait que ce mouvement s’affranchisse de tout le sérieux du design. J’ai également l’esthétique des années 1980 dans le sang, car j’ai grandi dans cette époque.
TSF
Du mur au plafond en passant par le mobilier, la couleur est partout, chez vous. Expliquez-nous ce parti pris.
Mike
Ce qui vous est possible de travailler en location, c’est la couleur. C’est le moyen le plus simple et le plus efficace de changer l’atmosphère d’une pièce ou même son agencement. La règle est la suivante : ce que vous ne pouvez manifestement pas cacher, mettez-le en valeur, poussez-le à la limite. Chaque nuance a une aura. Nous avons donc essayé de la laisser s’exprimer dans chaque pièce tout en jouant avec les perspectives. Les pièces dans lesquelles nous passons le plus de temps sont dans une palette de teintes plus ou moins chaudes (orange, roux, aubergine, lilas). Le long couloir sert de lien entre les deux pièces principales. Il est d’un bleu clair lumineux. Le petit couloir est orné, quant à lui, d’un papier peint que j’ai conçu avec un motif très graphique. C’est la plus petite zone de l’appartement, mais ce décor mural l’a rendu plus précieux. Pour notre salon, nous avons choisi ce ton aubergine très foncé, qui le rend très élégant, mais qui est aussi particulièrement apaisant le soir. C’est la pièce idéale pour recevoir. Je trouve que son fond sombre fait ressortir davantage notre collection de pièces excentriques.
Ce qui vous est possible de travailler en location, c’est la couleur. C’est le moyen le plus simple et le plus efficace de changer l’atmosphère d’une pièce ou même son agencement.
TSF
Quelle(s) pièce(s) de la collection Socialite Family aimeriez-vous voir chez vous ?
Mike
Nous aimons beaucoup les vases de la gamme Duetto. Nous n’arrivons pas à nous décider sur la combinaison des couleurs… mais on n’a jamais trop de vases !
TSF
Quelles sont les adresses que vous recommandez dans le quartier de Kreuzberg ?
Mike
Je vous conseillerais d’aller au parc Victoria qui, appelé en fait originellement le « Kreuzberg », a donné son nom à ce quartier. Il offre une vue imprenable sur Berlin. Si vous aimez les marchés aux puces, je vous recommande celui de Maybachufer. Il y a beaucoup de monde, mais c’est très sympathique de s’y promener. Sinon, je vous suggérerais de flâner dans le Bergmannkiez avec ses agréables restaurants et cafés. Certaines rues rappellent Paris, vous ne trouvez pas ?
Notre style est peut-être un mélange d’éclectisme, d’art et de couleurs, mais avec un soupçon de pièces de créateurs classiques.