Familles
Face au canal Saint-Martin chez le fondateur de Jibé
Chez
Jean-Baptiste Martin et Anne, Sasha 5 mois
Quand leurs regards ont effleuré les ondulations aqueuses du canal Saint-Martin, Jean-Baptiste Martin et sa femme Anne ont su. Ils ont su que cet appartement serait le bon. Alors même qu’ils n’en avaient pas visité l’intégralité. Alors même que quelques mois plus tard, les rénovations finies, Hong Kong et ses sirènes les appelaient vers de nouvelles aventures. C’est à leur retour que leur vie, ici, commença vraiment. Fini le travail dans la publicité. Jean-Baptiste donna naissance à Jibé. Anne à Sasha, leur fils âgé de 5 mois. Deux trésors qui leur permettent depuis de s’émerveiller chaque matin. Sourire aux lèvres, c’est dans les volumes retravaillés avec leur amie architecte Marie-France de Saint Félix que la famille au grand complet nous accueille. Le style y est minimaliste. De la « non-accumulation », nuance Jean-Baptiste, portée par une force graphique noire et blanche incroyable de laquelle se dégage beaucoup de poésie. Du calme aussi. Chaque meuble, chaque objet participe à l’apaisement visuel global. Tous sont choisis par le couple, ensemble. Anonymes, maîtres : leurs créations se côtoient, s’épousent, se mêlent. Aucune distinction n’est faite par Jean-Baptiste à ce propos qui leur reconnaît le même mérite, la même force. Composer avec son regard – assimilé à un objectif d’appareil photo – une mise en scène, voilà l’idée avec laquelle le Parisien décore. Curateur émérite, il nous tarde de découvrir le site de ce projet, pour l’instant uniquement consultable via Instagram. Une sélection à venir de ce qu’il préfère, mêlée à des éditions très spéciales et à du mobilier d’exception.
Lieu
Paris
texte
Caroline Balvay
Photographies et Vidéos
Valerio Geraci
TSF
Jean-Baptiste, Anne : qui êtes-vous ? Pouvez-vous vous présenter ?
Anne
Je travaille dans le marketing et j’ai surtout une grande passion pour les voyages. Après une carrière dans la publicité, Jean-Baptiste a créé Jibé il y a un peu moins d’un an. Et surtout, nous sommes les parents de Sasha qui a 5 mois !
TSF
Quelle est l’histoire de cet appartement et des objets qui le peuplent ?
Jean-Baptiste
Lors de notre première visite, nous nous sommes assis dans le salon et, par ses deux grandes portes-fenêtres, nous avons vu un bateau passer. Nous avons alors eu l’impression de quasiment pouvoir toucher l’eau… Sans voir le reste de l’appartement, nous savions que c’était le bon.
Anne
Une amie architecte, Marie-France de Saint Félix, a eu la gentillesse de nous accompagner pour les travaux. Elle a réussi à libérer l’espace et à faire entrer la lumière tout en préservant l’esprit de l’appartement. Quelques mois après la fin des travaux, nous partions vivre à Hong Kong car je venais d’y avoir une opportunité professionnelle. C’était mon rêve de découvrir l’Asie ! C’est à notre retour que Jean-Baptiste a vraiment commencé à s’intéresser à la décoration. Il me montre beaucoup de choses au quotidien qu’il chine et, de temps en temps, je fais les yeux doux et je lui demande si on peut garder certains meubles ou objets. Nous craquons aussi de temps en temps pour des pièces contemporaines, comme la lampe du couple Hirlet trouvée à la galerie Prisme. J’adore y passer et écouter Chancelia nous raconter l’histoire de ce couple de céramistes qu’elle défend depuis plus de quinze ans.
Jean-Baptiste
Je dois voir une certaine forme de poésie qui me touche dans les objets que je garde et ils doivent trouver naturellement leur place chez nous. Je prends plus plaisir à proposer un objet que je chine qu’à le garder. Même s’il me plaît beaucoup, il me reste le souvenir du moment où je l’ai trouvé et ça, c’est cool !
TSF
Votre style est radical, minimaliste. Quelles ont été vos principales inspirations pour le composer ?
Anne
Jean-Baptiste dirait que ce n’est pas minimaliste, c’est de la « non-accumulation » (rires). C’est assez paradoxal avec son métier mais à notre retour d’Asie – où les espaces sont extrêmement étroits et la population très dense –, nous avons choisi de créer dans cet appartement un univers très pur où nous ne ressentions pas le manque d’espace. De mon côté, j’adore la nouvelle vague de décorateurs qui revisitent le « nouveau chic parisien ». Nous ne sommes pas dans le clinquant dont j’ai horreur ! Par contre, je demande à Jean-Baptiste de chiner un « Trône de Fer » pour regarder la nouvelle saison…
Jean-Baptiste
Tout dépend de ce que l’on recherche. Après une journée parisienne où notre œil est sursollicité, j’ai besoin de retrouver un calme visuel. « Less is beautiful ». J’aurais fait le contraire pour une maison en bord de mer (ou pas). Toutes les époques, tous les styles m’attirent. Mais pour finir, le lieu doit être imparfait, impermanent et atypique. Je me sens bien dans un univers brutaliste soutenu par du contemporain.
TSF
Pourquoi cette dualité entre noir et blanc ?
Anne
J’y retrouve de l’élégance et du calme. Cela me fait un bien fou.
Jean-Baptiste
Cette dualité a une force graphique incroyable. Le noir est plus qu’une couleur. Pour moi, c’est une autre lumière.
TSF
Est-ce de votre fait à tous les deux ? Comment vous êtes-vous «réparti » ce travail ?
Anne
Nous choisissons toujours ensemble les éléments de décoration de notre appartement. C’est le deal. Il faut que nous soyons tous les deux amoureux d’un objet pour qu’il y mérite sa place ! Même si, grâce au métier de Jean-Baptiste, j’ai appris à faire évoluer mes goûts ! Il me fait découvrir chaque semaine de nouveaux créateurs – connus, ou pas du tout – et c’est à ce rythme que nous faisons évoluer notre espace intérieur.
TSF
Ce chantier personnel signait-il le début de Jibé ?
Jean-Baptiste
À notre retour de Hong Kong, j’ai quitté la publicité pour ce nouveau projet qui me permet de m’éveiller avec le sourire chaque matin. J’ai commencé il y a moins d’un an Jibé sur Instagram où je propose une sélection éclectique d’articles que j’ai dénichés. Quand je chine, mon objectif est de trouver des objets ou du mobilier très cool (à mon sens) que je pourrais proposer à un prix abordable, juste. Je travaille à l’œil et pas à la signature. Pour moi, le travail d’anonymes mérite autant d’égards que le travail de célèbres designers. Au-delà de la vente – et ce n’était pas prévu –, plusieurs familles et boutiques m’ont contacté pour réaménager leur intérieur.
TSF
Comment voyez-vous évoluer votre projet dans le mois à venir ?
Jean-Baptiste
Le site, avec une sélection de ce que je préfère, devrait prochainement ouvrir ! Je vais également bientôt proposer des bols en céramique pour enfants édités par Jibé qui s’appellent les « Drochs » (farfelus en breton) et je travaille actuellement sur du mobilier. Le plus important est de continuer à prendre plaisir à dénicher des objets que j’aime, rencontrer leurs futurs propriétaires et, surtout, ne pas tomber dans les travers du métier…
TSF
Quels sont vos endroits favoris à Paris pour nourrir votre regard et vos papilles ?
Anne
En plus de notre appartement, c’est une vraie vie de quartier que nous avons découverte sur le canal Saint-Martin ! Nous adorons passer du temps à La cantine de Quentin, rue Bichat, où la cuisine et la sélection de vins sont toujours exceptionnelles. Une escale obligée avant de passer du temps chez Artazart.
Jean-Baptiste
Plus qu’un endroit, une heure. Je pars vers 5h du matin travailler pour trouver des trésors. Tous les Paris m’émerveillent à cette heure !