Familles
Cultiver la différence.
Chez
Constance et Martin Clerc, Augustin 15, Hippolyte 12, Ulysse 8 ans
Constante, Constance l’est. « Quand je choisis, c’est pour la vie », nous assure-t-elle. Avec son mari, ses amies, mais aussi… son mobilier ! Le plus souvent des pièces chinées par ses soins, la Parisienne affirmant préférer la patine et l’histoire d’un objet à une création contemporaine. Assidue des Puces de Vanves qu’elle parcourt en compagnie de sa tante, amoureuse transie des vide-greniers et autres brocantes qu’elle a le bonheur de trouver sur son chemin, Constance déniche à la sueur de son front – et à l’usure de ses talons – des merveilles qui ne répondent à aucune dénomination. Seule fille (très « fille ») évoluant aux côtés de quatre garçons, son imaginaire fantaisiste assumé suranné revêt une puissance inédite qui ne connaît pas de compromis. Dans ces 200 m² refaits du sol au plafond, c’est elle qui mène la danse. Et ce, dans le moindre détail pour que la magie soit au rendez-vous à chaque seconde. Sa réponse à un monde tendant à une triste uniformisation et dont elle est une observatrice privilégiée grâce à un compte Instagram drainant des milliers de lecteurs. Car Constance, c’est aussi ça. L’amour du beau, certes, mais surtout du vrai. L’image instantanée, le mot juste qui vient de « là ». L’émotion. Celle que peut lui procurer la coupe d’un vêtement dont elle seule perçoit le potentiel, la réparation d’une horloge d’époque par un de ses artisans favoris ou encore un des tout premiers dessins de son aîné. Sûrement l’une des nombreuses raisons de son succès.
Lieu
Paris
texte
Caroline Balvay
Photographies et Vidéos
Valerio Geraci
TSF
Constance, qui êtes-vous ?
Constance
Je suis mère au foyer de trois garçons à Paris, provinciale d’origine. J’y vis depuis presque dix-huit ans. J’ai fait des études de droit mais après une maternité compliquée, je n’ai jamais pu me résoudre à laisser mes enfants.
TSF
Racontez-nous l’histoire qui vous lie à Paris et plus intimement à son XVIIᵉ arrondissement ?
Constance
Mes deux grands-mères étaient parisiennes voisines du parc Monceau. Je suis donc toujours beaucoup venue à Paris retrouver de la famille, des cousins. C’est une ville que je connais bien et dans laquelle je me sens comme un poisson dans l’eau, particulièrement depuis que les enfants ont grandi et que nous sommes très bien logés. Ce qui n’a pas toujours été possible !
TSF
Cet appartement a beaucoup changé entre votre emménagement et maintenant. Racontez-nous comment vous avez orchestré les travaux.
Constance
Nous avons été locataires dans cet appartement. L’opportunité de l’acheter s’est présentée et nous en avons profité pour faire trois mois de travaux. Presque tout. Tous les sanitaires, la cuisine, les chambres, les couloirs ont été refaits, mais nous n’avons touché ni à l’agencement ni à la structure. Le plan était parfait.
TSF
Votre quotidien s’est « légèrement » retrouvé bouleversé pendant ce temps… Avec le recul, quelles leçons avez-vous tirées de cette aventure ?
Constance
Par souci d’économie et pensant que ce serait plus simple, nous avons cohabité avec le chantier. Je ne le referai jamais si j’ai le choix. Malgré la gentillesse et l’efficacité de l’équipe, ces trois mois ont été très compliqués. Je faisais du ménage toute la journée pour pouvoir prendre un repas tous ensemble le soir dans des conditions correctes et tous les jours, tout était à refaire.
C’est un peu de la folie, de la fantaisie, qui ressort dans mon style et mon idée de l’esthétique !
TSF
De quelle manière trouvez-vous votre place, entourée par quatre garçons ?
Constance
Je suis vraiment une fille très fille qui aime être entourée de filles. Je ne pourrais pas vivre sans mes hommes, mais je n’ai pas toujours le mode d’emploi. J’ai une haine viscérale pour le ballon, son bruit qui pollue mes jours et mes nuits… et qui a, au passage, laissé quelques cadavres derrière lui (cadres, nains de jardin que je collectionne, etc.). Je ne suis que frou-frou, nœuds et talons ! (Rires)
TSF
Instagram est-il un moyen d’extérioriser vos pulsions créatrices, votre amour de l’écriture ?
Constance
Il y a 2 ans, poussée par certaines amies, j’ai ouvert cette fenêtre Instagram où je partage mon idée du beau et mon besoin de soigner les détails. J’ai une vision très claire et immédiate de ce que j’aime et de ce que je veux. Rien ne passe par la réflexion, tout fonctionne au ressenti, à l’émotion. J’ai choisi l’humour pour décrire ce quotidien entourée de garçons où je me sens régulièrement dépassée. Et le public a suivi mes aventures un peu comme une BD. J’aime m’y moquer de mes travers, de mes défauts et des leurs avec tout l’amour qu’ils m’inspirent. Ils me rendront folle d’amour, folle tout court.
TSF
Parlez-nous de votre style, si différent de ce que l’on a « l’habitude » de voir, qu’il s’agisse de mode ou de décoration. Comment l’avez-vous affiné – et affirmé – au fil des années ?
Constance
C’est un peu cette folie, de la fantaisie, qui ressort dans mon style et mon idée de l’esthétique. Je trouve déprimant, asphyxiant de voir tous ces comptes qui se ressemblent et qui cumulent tous les codes instagrammables. Le suivisme et la copie me terrifient. L’identité de chacun se perd et n’en sort pas grandie.
TSF
Avez-vous une couleur, une matière, une finition ou une discipline artistique que vous affectionnez particulièrement ? Quelle a été votre éducation à la décoration, au design, à l’art ?
Constance
Je me rends compte au fil du temps que le neuf – en général – n’a pas de place chez moi. J’ai besoin d’une vieille patine et de pouvoir me raconter une histoire autour de ce que je choisis. J’ai toujours baigné dans un environnement privilégié : belles maisons, beaux meubles mais aussi jolies toilettes. C’est une culture bourgeoise digérée qui me permet aujourd’hui de m’extraire des codes pour inventer mon histoire à laquelle mon merveilleux mari adhère patiemment. Je suis tyrannique et l’avis des autres ne m’intéresse pas du tout en la matière.
TSF
Anciens, contemporains, jeunes créateurs : quels sont vos adresses, vos lieux de prédilection pour meubler et accessoiriser votre intérieur, mais aussi votre silhouette ?
Constance
Je chine beaucoup en Charente-Maritime et aux Puces de Vanves avec ma tante. Ce sont des moments de bonheur absolu. Je vibre de la pointe des pieds à la pointe des cheveux… Pour les vêtements, j’aime fouiller n’importe où. J’adore trouver des pépites dont personne n’a envie à bas prix et qui s’arracheront à prix d’or des mois plus tard. Quand je repère une pièce, je suis presque certaine de l’obtenir pour rien en troisième démarque parce que personne n’en a voulu.
TSF
Vos plus grandes fiertés dans ces 200 m² ?
Constance
C’est difficile pour moi de choisir un objet ou un meuble en particulier parce que je ne me lasse jamais. Quand je choisis, c’est pour la vie comme pour mon mari et mes amies. J’aime que mes objets se rencontrent et créent une harmonie dans laquelle je suis heureuse en famille, malgré la casse et la nuisance du ballon.
TSF
Vous êtes une amoureuse transie des détails. Jusqu’où cette addiction peut-elle vous mener ?
Constance
Tout ça a un prix. Ma maniaquerie. Je range toute la journée. Je suis une machine de guerre, tout le temps en déficit de sommeil. En revanche, je m’adapte à ce que je peux faire ou à ce que j’ai les moyens de faire. Je trouve toujours un substitut qui me convient. Je suis dans l’immédiateté plus que dans la patience. Alors, j’ai renoncé à un nouveau carrelage et composé autour…
TSF
Comment vos trois garçons et votre mari évoluent-ils au milieu de cet univers très marqué ?
Constance
Les garçons pour le moment ne se sentent pas concernés et ont quand même la gentillesse de m’épargner leurs vilains posters. Mon aîné venait plus jeune dans les brocantes avec moi, ce n’est plus du tout le cas. Le second aime la mode mais j’essaie de ne pas le stimuler à son âge. Le dernier me laisse encore lui coller quelques mignonneries sur le dos, mais jusqu’à quand ? J’espère quand même que cela aura développé leur regard à la différence.
TSF
Une philosophie de vie qui vous accompagne ?
Constance
Je crois que je souhaite, quand on ouvre ma porte, que l’on se retrouve dans un univers désuet, ludique, chaleureux où l’innocence de l’enfance est préservée. J’aime que ce soit tous les jours Noël avec guirlandes et paillettes en prime ! Une magie quotidienne pour oublier comme le monde peut être cruel et vilain.
TSF
Pensez-vous un jour donner corps à vos passions en créant une marque, un service de conseil ou de curation ?
Constance
J’ai beaucoup de chantiers en tête. Pourvu que mes rêves d’enfant se réalisent et ce, dans la diversité, autour de projets amusants et conviviaux !