Familles
Le duplex au charme néomaximaliste marseillais entièrement repensé par le fondateur du Studio Chaille
Chez
Jérémy Chaillou et Vanille Gautier
Parce que chez The Socialite Family, le travail de la jeune garde des professionnels de l’architecture et de la décoration est une puissante nourriture inspirationnelle, nos dernières pérégrinations nous ont menés dans la cité phocéenne chez Jérémy Chaillou. Un tout dernier projet résidentiel pour lequel le fondateur du Studio Chaille se réjouit d’une position à la fois « de client et d’architecte ». Au côté de sa compagne Vanille Gautier, le diplômé de Camondo exprime dans cet intérieur entièrement repensé sa signature créative marquée par l’ambivalence. Une dualité perçue en filigrane dans son choix de « conserver » certains attributs architecturaux de cette enveloppe historique – à l’instar de cette tomette ou bien de ces poutres en bois –, tout en y « ajoutant » de nouveaux éléments. Plafond en miroir ou escaliers sur mesure, entre autres. Ici, « la chaleur des matériaux anciens s’entrechoque avec la précision du miroir, du métal, de l’inox ». Un parti pris baptisé « néomaximalisme marseillais ». Contemporaine et affirmée, cette relecture de cet ancien trois-fenêtres typique de la ville démultiplie les perspectives grâce aux surfaces réfléchissantes qui se font écho. Nous faisant – d’un seul coup d’œil au plafond – perdre la notion de l’espace. Dans ce mirage architectural du 6e arrondissement de Marseille, le créatif poursuit l’expérience sensorielle et spatiale en portant notamment son attention sur la sélection du mobilier. Ponctuant le premier comme le second étage de ce duplex de ses prototypes design – tabouret Martini ou encore applique tubulaire – il tire le fil narratif de son imaginaire géométrique et cadencé. Des pièces qu’il aime mélanger aux créations phares de pontes du design, à l’instar de Warren Platner ou de Roger Capron, comme à celles des créateurs de la région, Axel Chay et Emmanuelle Luciani en tête. La volonté une nouvelle fois affirmée de brouiller les pistes avec intemporalité.
Lieu
Marseille
texte
Juliette Bruneau
Photographies et Vidéos
Eve Campestrini
TSF
Jérémy, Vanille, pouvez-vous vous présenter ?
Vanille
Originaire de Nantes, je suis maquilleuse dans le milieu de la mode et je suis passionnée par mon métier que j’exerce principalement entre Paris et Marseille. Installée à Marseille depuis bientôt sept ans, j’ai toujours adoré la mobilité, le changement d’habitudes et de ville.
Jérémy
Je suis Jérémy, architecte d’intérieur et designer. Je vis, comme Vanille, entre Paris et Marseille. Mon cœur est attaché à ces deux entités qui représentent assez bien mon ambivalence.
TSF
Jérémy, comment définiriez-vous votre style en tant qu’architecte, et comment s’exprime-t-il ici ?
Jérémy
Je dirais intemporel, lumineux, rythmé, géométrique, masculin et empathique. Au-delà du beau, mon style s’exprime à travers le corps. Selon moi, nous créons par et pour le corps. Je me base sur nos mouvements pour concevoir mes espaces et mes objets. Cela se traduit par l’emploi de courbes que vous retrouverez dans mon travail. J’envisage également mes projets par le dialogue : j’écoute le lieu et ce qu’il raconte. J’essaie d’en sublimer les caractéristiques propres et d’y ajouter le projet en fonction. Un aspect essentiel de mon style passe par la création d’axes à travers lesquels je compose des tableaux. Puis je m’amuse avec ces derniers pour démultiplier les perspectives par l’emploi de miroirs et de surfaces réfléchissantes. En jouant avec les perceptions d’un lieu, j’essaie de créer une expérience sensorielle et spatiale propre à chaque projet. Ici, l’événement principal du lieu est sans doute le plafond en miroir. Il agrandit l’espace, propose une multitude de points de vue nouveaux. Le manteau de la cheminée met en exergue la double hauteur du salon et la faïence noir pétrole crée un écran de réflexion pour la lumière. La façade en inox brossé de la cuisine continue de former des surfaces où la lumière et la matière se reflètent, tout comme la fabrication d’arrondis sur les embrasures des fenêtres. L’étage est volontairement vitré et éclaire naturellement tout le salon. Enfin, l’escalier en limon central est une réinterprétation de l’escalier Perriand qu’elle a dessiné pour la Maison Borot.
C’est notre projet de vie, notre premier cocon. C’est aussi le premier projet pour lequel je suis à la fois le client et l’architecte.
TSF
Entre imaginaire méditerranéen et lignes contemporaines : comment avez-vous mélangé avec équilibre les inspirations pour penser la décoration de votre intérieur ?
Jérémy
Cet appartement est un pur produit issu du patrimoine. C’est ce que l’on appelle le trois-fenêtres marseillais, à ceci près qu’il se situe à un angle. Sa double exposition permettant au soleil d’entrer librement tout au long de la journée et ses volumes importants ont tout de suite attiré notre attention. Les dominantes de l’appartement sont des tons chauds – sol en tomettes aux multiples vies – et réconfortants que j’ai décidé de mettre en avant pour définir l’ambiance du lieu. Le plan de travail en travertin persan de la cuisine fait écho aux tomettes. Ce sont des éléments horizontaux que j’ai traités comme un camaïeu. Les poutres et le mobilier en bois se conjuguent également avec cette palette de couleurs chaleureuses et celles, minérales, de la pierre. Le miroir et la faïence créent, quant à eux, des perspectives. Et les éléments blancs se soustraient à cet ensemble. Dans cet intérieur entièrement repensé, l’agencement a pris une part importante. La cuisine est un simple linéaire bas, mais il structure l’espace en répartissant les usages dans la pièce principale. À l’étage, le lavabo de la salle de bain est placé au milieu de la pièce et en structure la physionomie. Pour incarner ces volumes, mes inspirations étaient très marquées années 1970. Je savais que je pouvais sortir quelque chose d’inédit de ce lieu. La chaleur des matériaux anciens s’entrechoque avec la précision du miroir, du métal, de l’inox. Cette ambivalence dans le choix de « conserver » et d’« ajouter » définit le style de l’appartement : le néomaximalisme marseillais.
TSF
Quels ont été les contraintes et les défis auxquels vous avez dû faire face lors de ce chantier ?
Jérémy
Je dirais l’ampleur des travaux. Il a effectivement fallu reprendre intégralement la charpente pour libérer le volume et former la pièce principale, créer un étage, une fenêtre sur un mur aveugle, et enfin une cheminée. La dimension affective était très présente. C’est notre projet de vie pour Vanille et moi, notre premier cocon. C’est également le premier projet sur lequel je suis à la fois le client et l’architecte. Je n’ai pas de contrainte du maître d’ouvrage et n’en subis pas les choix. J’avoue avoir particulièrement aimé l’exercice et j’ai hâte de pouvoir le renouveler sur d’autres projets. On peut se sentir seul parfois dans certains arbitrages ou prises de décisions, mais c’est précisément là que l’on s’exprime pleinement.
TSF
Comment avez-vous pensé l’ameublement de cet intérieur aux volumes atypiques ?
Jérémy
Je voulais quelque chose de généreux et plus fourni que mes interventions d’agencements. Je voulais également travailler avec des éléments chinés dont certains sont un héritage. J’ai du mal avec les espaces entièrement neufs. Cela sonne vite creux selon moi. J’ai donc additionné les pièces que nous avons de famille avec des créations design emblématiques : canapé Giorgio Montani ou encore table basse Roger Capron. Mais aussi celles d’amis talentueux et quelques-uns de mes prototypes, notamment le tabouret Martini du Studio dans sa déclinaison chrome et bois ou encore l’applique murale du salon qui est la dernière édition du studio. C’est un prototype que j’ai développé pour l’occasion et qui sera bientôt commercialisé. Vous retrouverez également ici des réalisations de créateurs de la région à l’instar d’Axel Chay et son lampadaire Modulo ou encore le tabouret en fonte d’aluminium du Southway Studio – Emmanuelle Luciani.
Je m’amuse avec l’emploi de miroirs et de surfaces réfléchissantes pour démultiplier les perspectives. En jouant avec les perceptions d’un lieu, j’essaie de créer une expérience sensorielle et spatiale.
TSF
Avez-vous une pièce favorite – ou qui s’intégrerait selon vous parfaitement à votre intérieur – dans notre collection ?
Jérémy et Vanille
Un ensemble de modules Rotondo en velours camel et leur socle aluminium !
TSF
Pour vous, The Socialite Family, c’est ?
Jérémy et Vanille
Un projet global autour du beau et du style grâce à son shop en ligne et ses boutiques, mais aussi par son média. Un support inspirationnel pour toute personne sensible à la décoration.
TSF
Des adresses marseillaises confidentielles à nous recommander ?
Vanille
Se balader dans les ruelles et suivre son feeling, car il est toujours possible de tomber sur une bonne surprise !
Jérémy
Je vous suggère la batterie de Ratonneau sur l’archipel du Frioul : c’est le panorama le plus complet et le plus beau que l’on puisse avoir de Marseille.
TSF
Où vous retrouverons-nous prochainement ?
Jérémy
J’espère à la Paris Design Week, très prochainement !
Mon style s’exprime à travers le corps. Selon moi, nous créons par et pour le corps. Je me base sur nos mouvements pour concevoir mes espaces et mes objets.