Familles

Un hangar entièrement réhabilité en maison familiale dans le sud de Bordeaux

Hélène Touratier

Chez

Hélène Touratier et Frédéric, Jules 10, Marius 8 ans

Le projet d’aménagement atypique d’Hélène Touratier avait attiré notre œil sur Instagram. Détail par détail, la Bordelaise laissait entrevoir certains angles d’un chantier titanesque entrepris en 2018. Celui d’un hangar, originellement ancien stockage d’un modeleur. Une découverte pour laquelle elle et son compagnon Frédéric avaient dû, après des mois de recherches infructueuses, se prononcer rapidement. Une chose qui n’avait pas été facile pour lui, qui avait du mal à se projeter dans cet espace brut où tout était à faire. Une évidence pour elle. Comme une suite logique à ses envies mais aussi à son parcours. Spécialisée de par sa formation dans les projets d’établissements publics, l’architecte a, avec le temps, développé une véritable affinité avec l’habitat individuel. Avec une préférence : en remanier entièrement l’espace ou du moins en concevoir l’architecture complète. Une composition sur mesure qui lui permet de laisser s’exprimer pleinement son amour « des volumes lisibles et fluides, du travail des apports de lumière mais aussi du choix des matériaux ». Dans cet écrin familial dont la première phase de travaux – deux sont prévues – s’est achevée il y a peu, Hélène s’est occupée de tout. Une aventure passionnante qu’elle nous raconte sans détour dans cet article. L’occasion de démontrer une nouvelle fois à quel point un espace est le reflet des personnalités qui y cohabitent. De leur mode de vie, mais aussi de leur sensibilité – ici, une envie de « chaleur » en toute simplicité – et de leur philosophie. Cette maison articulée autour d’un espace en double hauteur, que la lumière caresse grâce à plusieurs ouvertures, c’est eux. Hélène, Frédéric, Jules et Marius. Une famille qui sait ce qu’elle veut et qui prend le temps de concrétiser ses désirs. Un rêve largement ponctué par la douceur du bois, jalonné par des murs laissés en l’état et un sol minéral en béton. Des contrastes parfaitement maîtrisés, apaisants tout en étant vivants, où l’on se verrait – nous aussi – évoluer à l’année.

Lieu

Bordeaux

texte

Caroline Balvay

Photographies et Vidéos

Eve Campestrini

TSF

Hélène, pouvez-vous vous présenter ?

Hélène

Je suis architecte. Depuis une dizaine d’années, je travaille à recentrer mon activité sur des projets d’architecture d’intérieur. Fred, lui, œuvre dans le numérique. Un domaine très éloigné du mien. Nous avons cependant beaucoup de passions communes et si je ne suis pas encore une grande amatrice d’informatique, il s’intéresse de son côté de plus en plus à l’architecture et à la décoration. Nous avons toujours vécu et travaillé à Paris, où nous nous sommes rencontrés en 2006. Quelques années plus tard, nous y avons eu deux petits garçons maintenant inséparables , Jules (10 ans) et Marius (8 ans). Il y a quelques années, nous avons décidé de changer de vie et de nous installer à Bordeaux, dans un ancien hangar que nous avons réhabilité.

TSF

Pourquoi avoir quitté Paris pour Bordeaux ?

Hélène

Nous aimions la vie parisienne, mais n’avions finalement pas le temps de profiter de ses avantages au quotidien. Nous avons souhaité un cadre de vie plus tranquille et plus proche de la nature, tout en conservant un environnement urbain et des lieux sympas où sortir. Bordeaux regroupait tous ces avantages, en plus d’y retrouver certains de nos amis. C’est une jolie ville, basse, aérée, minérale en apparence, mais la nature y est très présente, elle se cache en cœur d’îlots, derrière les façades. Nous prenons toujours plaisir à retourner à Paris régulièrement pour y voir nos amis et notre famille, mais également pour profiter de son effervescence, des bars, des restos, des expos… Ce que nous ne trouvions pas le temps de faire lorsque nous y vivions !

TSF

Après plusieurs expériences dans de très belles agences d’architecture, vous avez décidé de fonder la vôtre. Avec une envie en particulier ?

Hélène

Après avoir obtenu mon diplôme d’architecte DPLG, j’ai tout d’abord travaillé sur de gros projets de marchés publics. Ce n’était pas ma tasse de thé, même si cela a été très formateur sur certains aspects techniques. J’ai ensuite passé plusieurs années dans des agences spécialisées dans l’habitat individuel, ce qui me correspondait mieux. J’ai ainsi pu suivre des chantiers complets, de la conception à la livraison, et travailler sur les détails, mais également sur le choix des matériaux, l’agencement… Puis en 2010, j’ai rejoint l’agence d’architecture d’intérieur Pierre Yovanovitch, dont les chantiers d’exception étaient non seulement inspirants mais aussi extrêmement formateurs. J’ai ainsi pu concentrer mon travail sur l’architecture d’intérieur et le design. En arrivant à Bordeaux, il y a quelques années, après ce parcours, je ne me suis pas vraiment retrouvée dans le style des grosses agences d’architecture d’intérieur qui existaient sur place. J’ai donc sauté le pas et créé la mienne. Je travaille ici sur des projets locaux, à partir de critères et d’éléments qui me tiennent à cœur : volumes lisibles et fluides, travail des apports de lumière, précision des détails et choix des matériaux. J’intègre aussi de plus en plus une réflexion écologique à mes projets (matériaux plus sains, locaux et durables).

TSF

Depuis sa création, en 2017, quels sont les projets qui vous ont le plus marquée ?

Hélène

Il a fallu au départ se faire connaître à Bordeaux, trouver un réseau de clients, mais également d’entreprises auxquelles confier mes chantiers. Cela a pris un peu de temps et j’ai d’abord travaillé sur des projets assez variés, en fonction des opportunités qui se présentaient. J’ai ainsi eu l’occasion de m’ouvrir à d’autres domaines que l’habitat, avec notamment l’aménagement d’un bar et la conception d’un spa. Ce sont des projets plus techniques, où la réglementation apporte des contraintes, mais où l’esthétique reste primordiale. Avec le temps, et grâce au bouche-à-oreille, je réalise de plus en plus de projets pour les particuliers. À Bordeaux, il y a partout dans la ville des rangées de petites maisons mitoyennes (appelées « échoppes ») avec une façade en pierre et un petit jardin à l’arrière. Elles sont appréciées, et j’ai eu l’occasion d’en transformer plusieurs. Ce sont des habitations étroites et plutôt sombres, très cloisonnées. Je repense donc leurs espaces, leur crée des perspectives et leur apporte de la lumière naturelle. D’autres projets, un peu différents, sont encore en cours et verront le jour l’année prochaine.

TSF

Racontez-nous celui de votre propre habitation : un hangar devenant peu à peu une maison familiale

Hélène

Nous avons visité beaucoup de maisons et quelques appartements en arrivant à Bordeaux, mais nous ne trouvions rien qui nous corresponde. Pour aboutir à un lieu qui nous ressemblerait, à partir de ces biens très cloisonnés et peu lumineux, il aurait fallu passer par des transformations lourdes et coûteuses, et dénaturer le lieu de départ… nous n’avons donc jamais sauté le pas ! Après plus d’un an de recherches, j’ai été mise en relation avec un agent immobilier qui nous a parlé d’un hangar, ancien stockage d’un modeleur dans le sud de la ville. C’était un bien rare et il a fallu se décider très vite. Fred ne s’y est pas projeté immédiatement, il y avait tout à faire, les travaux lui semblaient trop importants. J’ai dessiné rapidement les grandes lignes du projet et, surtout, déterminé son coût, cela l’a convaincu. Il a fallu déposer le permis de construire en quelques semaines – c’était un des termes de l’achat –, cependant le projet m’est apparu très clairement dès le départ. Nous n’avons conservé que la façade et les deux murs mitoyens, ainsi que la charpente métallique, que nous avons rénovée et laissée apparente. La toiture devait être entièrement refaite et nous y avons intégré des ouvertures permettant d’apporter l’éclairage nécessaire à l’intérieur des espaces de vie. Une partie du hangar a été démolie en fond de parcelle pour créer une cour plantée. La maison est articulée autour d’un espace en double hauteur, qui accueille la cuisine et la salle à manger. Une grande verrière y apporte la lumière naturelle et plusieurs pièces à l’étage ouvrent sur la partie haute du volume, habillée en contreplaqué de bouleau. J’ai également créé plusieurs perspectives visuelles à travers la totalité du volume, afin que le regard puisse se porter loin, sur l’extérieur, depuis l’entrée ou depuis mon espace de travail. À partir de ces deux concepts, le reste des espaces s’est organisé assez naturellement. Nous avons terminé la première phase des travaux et gardé les espaces aussi ouverts et aérés que possible. Dans un second temps, d’ici quelques années, nous cloisonnerons le grand volume dédié aux enfants en plusieurs chambres et créerons une autre salle d’eau et des rangements au fur et à mesure de nos besoins.

TSF

Quelles ont été vos inspirations pour façonner son allure intérieure ?

Hélène

Le plan est minimaliste et un peu néoclassique dans ses grandes lignes (symétrie, alignements, perspectives), avec néanmoins quelques dérogations à la règle afin de rendre les volumes plus contemporains. J’affectionne particulièrement l’architecture japonaise actuelle, ainsi que certains projets australiens de ces dernières années. Je pense que cela a influencé le dessin des espaces ainsi que le choix des teintes et des matériaux. Mais cela reste un projet très personnel, qui nous ressemble et correspond à notre mode de vie. En plus de l’avoir dessiné, nous avons réalisé une grande partie des travaux nous-mêmes !

TSF

Comment avez-vous choisi les matières (bois, béton, etc.) qui le rythment ?

Hélène

Nous avions envie de luminosité, de chaleur, de textures mates et douces, mais également de simplicité. La charpente existante a été traitée et repeinte en noir pour la mettre en valeur. Certains murs existants ont été conservés bruts, dans l’état où nous les avons trouvés. Il a donc fallu réchauffer les espaces. Nous avons utilisé beaucoup de bois et notamment habillé toute la partie haute de la cuisine/salle à manger en contreplaqué de bouleau. Les plafonds du rez-de-chaussée sont également traités en bois ainsi que toute la cuisine, afin de contraster avec le sol minéral en béton gris que nous avons choisi pour sa sobriété et sa simplicité d’usage. Le reste de la maison est traité en blanc mat, la couleur est amenée par touches dans la décoration et les objets du quotidien.

TSF

Pour le meubler, quels choix avez-vous faits ?

Hélène

Nous meublons au fur et à mesure de nos achats, découvertes et voyages. Je pense qu’il ne faut pas se presser pour aménager son intérieur, mais plutôt prendre son temps pour petit à petit y apporter les pièces qui nous ressemblent. Je chine beaucoup pour mes clients, et il m’arrive donc de tomber sur une jolie pièce dont nous aurions besoin. La plupart de nos meubles sont récupérés ou chinés et nous changeons souvent de mobilier au gré de mes trouvailles. Nous y avons toutefois intégré quelques luminaires (une potence Prouvé, une lampe de Marseille Le Corbusier et des néons pour rythmer le mur brut conservé dans la salle à manger), car ils participent à structurer l’espace.

TSF

La phase 1 étant finie, quel est votre ressenti – à vous et votre famille. Y êtes-vous bien ? Où aimez-vous vous retrouver ?

Hélène

Nous nous y sentons vraiment bien, c’est une maison pensée pour la vie de famille et pour recevoir. Nous cuisinons beaucoup, la cuisine/salle à manger est un lieu important pour la famille et nous l’avons donc placée au centre de la maison ! C’est ma pièce préférée ici, on y retrouve les traces de l’ancien hangar (charpente, mur brut), mais c’est devenu un tout autre espace. En journée, je travaille depuis mon bureau, aménagé dans une alcôve et la cuisine/salle à manger peut être utilisée comme salle de réunion. C’était un usage que nous avions anticipé et qui a également influencé le plan de la maison.

TSF

Pouvez-vous nous confier vos adresses déco favorites à Bordeaux et aux alentours ?

Hélène

Pour chiner, il y a, dans le quartier des Chartrons, plusieurs brocantes avec de jolies sélections, situées rue Notre-Dame. Dans un autre genre, on peut venir se promener tôt le matin place Saint-Michel, car avec de la patience, on y trouve de belles choses. Je chine aussi parfois dans les vide-greniers en m’éloignant de Bordeaux, notamment en Dordogne. Côté boutiques, il y a une très jolie sélection chez PH7 ainsi que chez Lodge. Pour une touche de couleur, des pièces plus fun ou de belles céramiques, il y a la boutique BoomBoom Shop où l’on peut trouver le superbe vase bleu roi de Julie Lansom.

TSF

Et pour les plus gourmands, des restaurants, bars ou autres immanquables à votre sens pour profiter au mieux de Bordeaux ?

Hélène

On mange très bien à Bordeaux, il est difficile de se tromper, hormis dans les quelques rues très touristiques (qu’il vaut mieux éviter) ! S’asseoir à la terrasse de l’Alchimiste devant un café pour feuilleter ses nouveaux bouquins dénichés à la librairie Mollat, un peu plus bas. Dans un autre style, prendre un thé à la menthe à la terrasse de Chat Noir Chat Vert, place Saint-Michel, après avoir fait un petit tour à la brocante. En famille, nous dînons souvent d’une pizza à La Tripletta ou d’un burger chez Kokomo. La Belle Saison, de l’autre côté de la Garonne, est également très chouette en famille et offre une des meilleures vues sur la ville. En amoureux, je recommande un dîner italien chez Primi ou bien à l’Atelier des Faures. Sinon, prendre un verre chez Symbiose, quai des Chartrons, pour des cocktails étonnants et de très bonnes petites assiettes à grignoter. Et pour les grandes occasions, pourquoi pas le Saint-James, rénové il y a maintenant quelque temps par Jean Nouvel, qui offre une vue superbe sur la Garonne et Bordeaux, et dont la cuisine est excellente (dont un délicieux menu végétarien).

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