Familles
Dans l'écrin milanais de l'autrice et influenceuse mode
Chez
Alessandra Airò, Nicola Scamardi et Pietro Elia, 6 mois
On l’observait il y a quelques jours sur les réseaux sociaux, à l’occasion de la Fashion Week italienne, véritable girl boss à la milanaise : tailleur impeccablement coupé, stilettos aux pieds et lunettes de soleil dernier cri vissées sur le nez. Alessandra Airò est une influenceuse ès mode incontournable. Depuis ses débuts, qui remontent à l’ère bénie des blogs, elle règne sur les réseaux. Elle est aussi autrice – son deuxième ouvrage est en cours – et, dernièrement, à la tête d’un club évènementiel. Ma non voglio mica la luna, nous affirme-elle, mi-figue mi-raisin. Au milieu de ses dix projets vécus à cent à l’heure, la jeune entrepreneure a (aussi) trouvé le temps de faire une place à la maternité.. En voilà un bouleversement ! Nous lui avons rendu la visite d’usage et l’avons trouvée en famille, chez elle et sereine. L’occasion de faire un état des lieux de son parcours et de ses influences majeures, de son présent et de ses envies. Et de glisser un œil curieux à l’intérieur de cette Milanaise passionnée de culture italienne, de cinéma et de design. Benvenuto !
Lieu
Milan
texte
Elsa Cau
Photographies et Vidéos
Valerio Geraci, Elsa David
TSF
Qui êtes-vous et quel est votre parcours, Alessandra ?
Alessandra
J'ai un parcours qui n’a rien à voir avec mon travail. Je suis diplômée de droit et j’ai commencé comme avocate. Puis j'ai décidé de changer de vie. J'ai travaillé pendant de nombreuses années au sein de la rédaction du magazine Internazionale, en tant que responsable de la communication et du marketing. J'ai quitté ce poste il y a douze ans pour entamer ma carrière d'influenceuse. Imaginez un monde du marketing d'influence sans la puissance actuelle des réseaux sociaux, sans Instagram. Le seul outil dont je disposais pour partager ma passion pour la mode était mon blog, « Little Snob Things ».
TSF
Qu’est-ce que le Club Airò ?
Alessandra
Un concept visant à repenser et remodeler les expériences. Présenté comme un club dynamique et vivant, il cherche à créer un espace d'engagement, de partage d'histoires, d'inspiration, de discussion et de divertissement. Le Club Airò est une communauté authentique qui partage mon sens esthétique et mes valeurs. De là est née mon envie de créer des collections capsules et des produits pour ceux qui me suivent avec passion. Les collections varient : nous avons commencé avec des paréos en été, continué avec des chemises au printemps et des foulards en hiver. La prochaine sera peut-être en relation avec le design, qui sait !
TSF
Quand avez-vous senti un tournant dans votre carrière ?
Alessandra
J'ai vécu plusieurs tournants. Le premier, lorsque j'ai décidé de quitter ma profession et de me consacrer à plein temps à ma carrière d'influenceuse. Un autre moment clé a été la sortie de mon premier livre il y a deux ans – je travaille actuellement sur le deuxième. Pour moi, c'était un défi, l'envie de m'engager dans un autre médium – le papier, l'édition –, dans quelque chose de différent des réseaux sociaux. De manière générale, être influenceur exige une évolution constante, tant en termes d'outils que de styles de communication.
TSF
Quel est votre rapport à la mode ? Vous êtes l’autrice d’un premier livre dont le titre n’est pas dénué d’un certain sens de la dérision : Manuale pratico sentimentale di stile per sopravvivere alla mode e anche a sé stessi. (Manuel pratique sentimental de style pour survivre à la mode et aussi à soi-même.)
Alessandra
C'est une relation très forte, intime, que j'aimerais rendre encore plus profonde. Dans le premier chapitre de mon livre, je parle exactement de cela : je vois la mode comme un outil pour communiquer qui nous sommes. La façon dont nous nous habillons dit tout de nous, de notre style de vie, de notre approche des choses. La mode est un miroir des besoins du moment historique que nous vivons. Elle a une capacité unique à révéler quelque chose de nous, à servir de carte de visite. Je dois remercier ma grand-mère et ma mère de m'avoir transmis cette passion ; pour moi, la mode est aussi un grand point de connexion avec elles !
TSF
On observe un lien de plus en plus fort entre les milieux de la mode et de l’art.
Alessandra
Le lien entre le monde de la mode et celui de l'art devient de plus en plus fort, et c’est une relation en constante évolution. L'art cherche à élargir son audience, et la mode est toujours en quête de nouveaux contenus inspirants. Ce désir mutuel de collaborer vient naturellement – pensez seulement à des événements comme Art Basel à Miami, un point de rencontre entre la mode et le design, où de nombreuses marques de mode saisissent l'occasion de présenter de nouveaux projets. Cette relation met en lumière le rôle croissant de la mode dans la société ; la mode ne se limite plus à l'habillement, elle devient de plus en plus une forme d'expression, un art. La mode, comme l'art, reflète les mouvements culturels, les émotions et l'esprit du temps, ce qui rend cette union non seulement inévitable mais essentielle pour que les deux industries continuent à repousser les frontières créatives.
Alessandra ne se lasse pas de notre
TSF
Dans quel environnement avez-vous grandi et comment a-t-il influencé votre goût ?
Alessandra
Pour cultiver et affiner son goût, en particulier dans le domaine du design, il est essentiel de dépasser l'ordinaire – assister à des expositions, lire des livres, regarder des films et s'immerger dans une ou plusieurs cultures. L'environnement dans lequel j'ai grandi a souligné cette approche et m'a inculqué une grande curiosité pour les arts et pour le monde qui m'entoure. Ce que nous voyons souvent sur les podiums est étroitement lié à l'histoire et à la culture dans son sens le plus large. Grandir entourée de créativité et d'influences culturelles m'a appris que le véritable style ne concerne pas seulement les objets ou les vêtements eux-mêmes, mais également la compréhension de leur contexte et de leurs origines. Je crois que le goût se construit activement au fil du temps, à travers une exposition constante à différentes formes d'art, d'architecture, de design et même de cinéma. Cette conscience culturelle plus large façonne non seulement notre perception de la mode, mais aussi notre façon de vivre – comment nous décorons nos maisons, choisissons des objets et organisons notre environnement. En ce sens, la mode et le design sont le reflet d'un récit bien plus large, profondément lié à la culture, à l'histoire et à l'expérience personnelle. Il me faut remercier mes parents et ma grand-mère – mon icône ultime de style – de m'avoir enseigné la culture, la beauté et l'importance de les trouver dans les petites choses du quotidien. Ma grand-mère en particulier, à qui mon livre est dédié, a toujours été une passionnée de mode, une grande voyageuse et une hôtesse incroyable. D'elle, j'ai appris – ou du moins j'espère avoir appris – l'art de l'hospitalité et l'attention portée aux autres.
TSF
On nous souffle que vous êtes passionnée de culture italienne classique : gastronomie, cinéma, art et design…
Alessandra
J'ai une grande passion pour l'univers du lifestyle, et j'en parle longuement dans mon livre. Comme Diane Vreeland l'a dit : « Il ne s'agit pas seulement de la robe que vous portez, mais de la vie que vous menez dans cette robe. » La mode doit être comprise dans son contexte, et de là vient mon envie de raconter des histoires qui commencent avec la mode mais se prolongent dans d'autres domaines, tels que le design, l'art, l'hospitalité et, pourquoi pas, la gastronomie ! La culture italienne, avec son patrimoine riche en matière de cuisine, de cinéma et d'art, a toujours été une source d'inspiration pour moi. Je vois l’art de vivre comme une expérience holistique, où la mode n'est qu'une des nombreuses expressions du style et de l'identité personnels. À travers mon storytelling, je cherche à créer un dialogue entre ces mondes interconnectés, en montrant comment la mode peut être influencée par les environnements dans lesquels nous évoluons et les influencer, l'art que nous admirons et la nourriture que nous savourons. En essence, il s'agit d'embrasser une expérience sensorielle complète de la culture italienne.
TSF
Racontez-nous l’histoire de cet appartement.
Alessandra
J'ai habité de nombreuses années dans l'appartement d'une amie chère, également dans le quartier de Brera à Milan, jusqu'à ce qu'elle décide de le vendre, et je me suis soudainement retrouvée à devoir dénicher un nouvel endroit dans l’urgence. L'appartement dans lequel je vis actuellement a littéralement été le premier que j'ai vu – j'étais seule car Nicola était à Londres – et je suis tombée amoureuse des lieux, instantanément. Il y avait une belle énergie, avec des éléments de l'ancien Milan que j'adore et, plus important encore, je voyais d'innombrables possibilités de le faire mien. Nous avons emménagé il y a cinq ans, et maintenant, avec l'arrivée de Pietro Elia, nous envisageons de trouver un espace plus grand, mais l'idée de quitter cet endroit est tellement difficile pour moi... Ce n'est pas seulement une maison, c'est un foyer : mon cœur y vit aussi.
TSF
Avez-vous réalisé beaucoup de travaux ici ?
Alessandra
Nous n'avons pas fait beaucoup de travaux structurels ; notre attention s'est portée sur la décoration. L’appartement avait déjà un grand potentiel, mais manquait de chaleur. Nous avons installé des boiseries, choisi les couleurs des murs et meublé patiemment. Il n'y a pas eu de grandes rénovations, juste de nombreuses petites touches pour créer l'identité de la maison et mettre en valeur ses atouts, comme le parquet en chevrons dans la salle à manger ou la vue sur le jardin — quelque chose de vraiment spécial et rare, surtout en plein centre de Milan. Bref, nous avons travaillé à sublimer le meilleur déjà présent des lieux !
TSF
Quelle ambiance avez-vous voulu créer chez vous ?
Alessandra
J'imaginais une maison qui serait chaleureuse et accueillante, un endroit plein de vie et de caractère. Je ne me vois pas comme une minimaliste ; je voulais un espace qui reflète vraiment ma personnalité, avec un mélange de pièces – des nouvelles et des anciennes – piochées dans ma collection familiale ou découvertes lors de nouveaux achats. J'espère avoir réussi à créer cela, bien que mon désir de continuer à acheter de nouveaux meubles et objets de décoration soit sans fin ! J'ai simplement besoin de plus d'espace… Dans chaque pièce, j'ai essayé d'évoquer une atmosphère orientale, en ajoutant des bibelots et des ornements que j'ai trouvés avec amour dans des marchés, que j'adore absolument. Je voulais que ma maison ressemble à un voyage, chaque espace racontant une histoire différente et offrant un sentiment de découverte, tout en restant harmonieux et fidèle à qui je suis. Cela a été un travail d'amour, vraiment, qui valorise les objets et souvenirs qui me tiennent à cœur.
Être influenceur exige une évolution constante, tant en termes d’outils que de styles de communication.
TSF
L’arrivée d’un bébé a-t-elle changé votre conception de l’intérieur ?
Alessandra
L'arrivée de Pietro Elia n'a pas encore changé ma façon de penser la décoration... Le problème survient lorsque tous mes invités, en voyant la maison, me rappellent que dans six mois, je devrai commencer à enlever certaines pièces du salon ou de la salle à manger. Je ne me suis pas encore rendue à cette idée, mais peut-être le ferai-je lorsque Pietro Elia commencera à saisir les objets précieux sur la table basse. Je vais devoir réorganiser certains espaces et me passer de certaines pièces, mais je ne veux jamais complètement bouleverser la maison. J'aime penser que Pietro Elia fera partie de ce foyer, de cette vision.
TSF
Pouvez-vous nous parler d’une pièce que vous aimez en particulier ici ?
Alessandra
Les pièces auxquelles je suis le plus attachée sont les deux fauteuils de mon salon ; ils étaient autrefois dans la chambre de ma grand-mère, et nous les avons récemment fait retapisser par un professionnel, les recouvrant d'un tissu en velours de Dedar Milano. Mes deux panthères en jade dans ma bibliothèque, un cadeau de ma mère, et enfin, le tableau de Pietro Terzini que nous avons reçu pour la naissance de Pietro Elia de la part de nos amis les plus proches.
TSF
Vous voyez-vous vivre ailleurs qu’à Milan ?
Alessandra
Je retournerai certainement vivre au bord de la mer ; c'est typique pour quelqu'un d'une ville côtière.
TSF
Quelles sont vos actualités à venir ?
Alessandra
Je veux continuer à faire mon travail et à effectuer des recherches et des études constantes pour le faire au mieux. Je travaille sur mon deuxième livre, dédié aux lieux et au lifestyle, de New York à Capri et de Tokyo à Portofino. Je continuerai également avec mes collections capsules pour le Club Airò, avec le désir d'élargir la gamme de produits. J'aimerais aussi que le Club Airò se transforme en un format d'événements, afin de m'engager davantage avec ma communauté.
TSF
Quelles sont vos bonnes adresses milanaises ?
Alessandra
J'adore le jardin botanique de Brera ; c'est une oasis rurale sereine en plein cœur de la ville, où je peux m'échapper du tumulte. Mon restaurant préféré, sans aucun doute, est La Torre di Pisa. C'est mon endroit de prédilection où je me sens vraiment chez moi, surtout parce qu'ils me servent toujours mon plat préféré, de délicieuses boulettes de viande, dès que j'arrive ! Un autre endroit qui me procure une immense joie est la Balera dell’Ortica. J'adore son charme authentique et son ambiance vibrante – c'est un espace merveilleux qui semble rafraîchissant et sans prétention.
TSF
Que pensez-vous de The Socialite Family ?
Alessandra
Je pense que c'est un projet magnifique, très soigné. Je suis fan des produits, de l'esthétique et de la façon dont vous entrez dans les foyers avec la gentillesse et l'élégance qui vous caractérisent. L'identité esthétique est très forte, mais elle n'éclipse pas l'identité des appartements qui font partie des projets.
TSF
Avez-vous une pièce préférée dans notre collection ?
Alessandra
Les luminaires, bien sûr, ceux que j'ai choisies pour mon salon. Je suis fan des paires de lampes Marta ; j'en ai placé deux, une à droite et une à gauche du buffet. Je pense aussi qu'un excellent travail a été fait avec les sièges ; parmi les nouvelles arrivées, le Pio est mon préféré. Comme j'ai une passion profonde pour les imprimés animaliers, je voudrais évidemment toutes les pièces dans ce motif. J'avais mentionné avoir besoin de plus d'espace, mais pour une pièce tachetée, je trouverais certainement de la place, même aujourd'hui !